Personnages :
2nd Surveillant (homme d’un certain âge) ; Experte (femme plutôt jeune) ; Brigitte (sans âge).
Apprentis : Benjamin, Françoise (plutôt bien roulée), Romain, Albert (plutôt âgé), Emilie (jeune),
SECOND SURVEILLANT– Nous vous avons réunis parce que vous êtes les plus anciens apprentis, et nous en sommes arrivés à la conclusion que si vous n’avez pas réussi votre examen d’augmentation de salaire, c’est que vous êtes… vous êtes… !
BENJAMIN– Nuls !
SOEUR EXPERTE– Bravo Benjamin, au moins tu sais quelque chose. Nous allons donc vous distribuer l’ouvrage que nous avons écrit, votre second Surveillant et moi, pour vous aider à passer enfin compagnon : « l’initiation pour les nuls. »
SURVEILLANT– Vous remarquez, FF et SS apprentis que vous avez tous en commun des petits problèmes de relation, de fraternité, de silence… de tenue.
EXPERTE– Vous comprendrez donc que tout ça exige de notre part un sacré boulot !
SURVEILLANT– Vous comprendrez aussi que nous n’allons quand même pas nous emmerder pour une bande de gnards qui n’ont toujours rien compris, ni à la symbolique, ni au rituel…
Pour commencer, parlons d’abord du silence.
BENJAMIN– Faut dire que c’est pas facile de garder le silence quand on entend toutes ces conneries !
EXPERTE– (à Benjamin) Oui je sais, Benjamin. C’est d’ailleurs pour ça qu’on te le fait garder, le silence : pour que tu ne dises pas de conneries.
FRANÇOISE – Oh… ! on n’entend quand même pas que des conneries !
SURVEILLANT– Heureusement, mais comment peux-tu en juger Françoise, toi qui ne viens quasiment plus en tenue ?
EXPERTE– Tu vois qu’on est sympa. Il y’a longtemps qu’on aurait dû te radier pour inassiduité !
SURVEILLANT– (Gentiment) Et pourquoi on ne t’a pas radiée ? je vais te le dire, moi : (enjôleur) C’est parce qu’on aimerait t’y voir plus souvent, ma petite Françoise, sur nos colonnes.
EXPERTE – Veuillez donc noter les chapitres qui répondent aux questions que vous vous posez.
Chapitre premier : Ai-je plus de chance à passer compagnon si je sais lire et écrire ?
ROMAIN– Mais… ça contredit nos mots d’apprenti…
SURVEILLANT – Oui, Romain, je comprends ta remarque… mais on n’est plus dans la symbolique, là ! nous te parlons de savoir lire et écrire ! Te souviens-tu que tu n’as pas été foutu d’aligner trois mots dans ton testament philosophique ?…
FRANÇOISE– (surprise) Et on ne l’a pas black boulé ?
EXPERTE– Ah ! tu peux parler Françoise ! Trois fois ajournée ! Trois ans que tu es restée sous le maillet à passer et repasser sous le bandeau.
BENJAMIN– Ah ! Mais je sais pourquoi, moi, vous avez fini par la faire rentrer, la Françoise. (Avec les mains, il moule deux seins)
SURVEILLANT– (faux cul) Benjamin ! tu te fais une mauvaise idée de la mixité ! Ce n’est pas pour ses… ni pour son…
EXPERTE– (passant vite à autre chose) deuxième chapitre : Comment répond-t-on au tuilage de la Sœur Grande-Experte ?
ALBERT– Ça dépend de l’âge !
SURVEILLANT– Bien vu, Albert ! On ne s’attouche pas à trois ans comme à…
ALBERT– Qué trois ans ? Je veux parler de l’âge, le vrai.
SURVEILLANT– Comment ça ? Explique-toi.
ALBERT– (malicieux, voire libidineux) Ben oui, si j’avais vingt ans de moins, l’attouchement de la Sœur Grande Experte…
EXPERTE – Non mais ! t’as vu ta tronche Albert ?…
(Remous)
EMILIE– (rompant la gêne) Moi j’ai une question !
SURVEILLANT– Vas-y Emilie ! ça nous rappellera le Collège.
EMILIE– Justement. Voici ma question : Est-ce que mon Surveillant, qui me fait geler depuis trois ans sur la colonne du Nord, serait plus conciliant si je ne l’avais pas eue comme prof au Collège ?
SURVEILLANT– Qu’est-ce que tu racontes, là ?
EMILIE– Vous êtes un rancunier. Vous vous vengez parce qu’au Collège je vous lançais des boulettes ! C’était pour rigoler, et vous pensiez que j’étais votre ennemie.
SURVEILLANT– Ennemie ? Mais alors, pourquoi n’es-tu pas venue me serrer la main, Emilie, quand on t’a enlevé le bandeau ? Nous l’aurions eu notre explication franche et loyale !
EMILIE– Mais c’est vous qui auriez dû venir me serrer la main. Vous m’avez toujours considérée comme votre ennemie !
EXPERTE– Du calme ! ça suffit ! Et puis Françoise, tache de tutoyer ton prof… ton frère… ton Surveillant !
Pour vous aider à vous remotiver, nous avons invité une ancienne apprentie qui va vous expliquer comment elle a réussi, elle, à force de persévérance…
SURVEILLANT- et d’obéissance…
EXPERTE– …et d’obéissance, à combler son déficit initiatique. Jusqu’à même parvenir aux plus hauts grades de l’Écossisme.
Nous vous demandons d’accueillir notre Très Illustre Sœur Brigitte !
BRIGITTE– (elle entre) Salut ma Sœur, salut mon Frère, salut mes FF et SS apprentis.
EXPERTE– Merci Très Illustre Sœur de condescendre à bavarder très simplement avec nos apprentis en mal de recherche initiatique…
SURVEILLANT– (remarquant la tenue sobre de Brigitte) Mais… vous n’avez pas mis votre cordon ?
BRIGITTE– ç’aurait été trop prétentieux !
Bruits et échanges divers et confus parmi les apprentis…
SURVEILLANT– Écoutez donc ce que notre T.Ill. Sœur…
BRIGITTE– Vous pouvez m’appeler Brigitte…
SURVEILLANT- Écoutez donc ce que Brigitte va vous dire ; vous n’aurez pas souvent l’occasion de pouvoir échanger…
BRIGITTE – (impatiente) C’est bon, je peux y aller ?
SURVEILLANT– Soyez attentifs ! l’expérience de la Sœur Brigitte…
EXPERTE– Oui, après toutes ces années passées sur la colonne du Nord…
SURVEILLANT– C’est vrai que Brigitte à connu toutes les affres de la colonne du Nord…
BRIGITTE– (agacée) Je peux parler ?
EXPERTE– Mais oui ma Sœur Brigitte. Toutes ces années que tu as passées à ne pas pouvoir parler…
BRIGITTE– (exaspérée) c’est bon, je peux parler maintenant ?
SURVEILLANT– Oui bien sûr ! mais comme notre Sœur Experte…
BRIGITTE– Oh ! ça suffit !… (S’affirmant) Sachez donc, apprentis, que pour monter en grade, ce qui compte, c’est d’abord avoir l’envie d’y monter.
EXPERTE– C’est le moins qu’on puisse dire, en effet !
BRIGITTE– Ne m’interromps pas ! D’abord, pour passer compagnon, il n’y pas de mystère ! je vais vous le dévoiler.
EXPERTE– Ne trahis rien ma sœur, de ce qui n’est pas de leur degré…
BRIGITTE– ça ne risque rien ! Petits apprentis, pour gagner votre salaire, qu’est-ce qu’il vous faut faire ? Il faut lécher les bottes de tous ces petits connards de petits maîtres qui vous exploitent sur le chantier : à préparer le temple, à ranger les placards, à les servir aux agapes… à les flatter.
EXPERTE– Mais… ma sœur !
BRIGITTE– Et pourquoi ils ne vous font pas monter ?… C’est par crainte que vous preniez trop vite leurs plateaux. Ils sont bien, entre eux, en chambre du Milieu.
SURVEILLANT– Brigitte !
FRANÇOISE– Mais alors toi, Brigitte, tu as dû vachement les lécher en chambre du Milieu pour qu’on t’ait laissée grimper tout en haut…
BRIGITTE– (confuse) Lécher… non… pas jusque là, tout de même.
FRANÇOISE– Pas léché, quoi alors ?
BRIGITTE- Couché ! Oui ma petite Françoise : couché !
SURVEILLANT– C’est bon ! je ramasse les copies !
EMILIE– Eh ! Monsieur le Prof ! on n’est plus au Collège !
ROMAIN & BENJAMIN– Mais c’est le bordel !
Et tous les apprentis de se barrer…