Bons et mauvais maçons

CABOTINAGE

Piécettes de théâtre : Galu Imperator, Tronc de la Veuve,
Parodies de rituels : Franc-Glouton, Rituel des voyous, Rituel d'ouverture du bar, Ordre des Mopses, Tuilage selon Béru
Sketchs : Essaimage, Le funambule, Le secret, Bons et Mauvais Maçons, Cours préparatoire, l'Affilié, Orient Éternel, Salle d'attente, 
Post Mortem, Dispute, Interview, Remords, Silence de l'Apprenti, Drame dans les Parvis, Intérim, Interob, Tout est en tout

Sketch inspiré du sketch “les chasseurs” des Inconnus

(Auteur : Julio)
Créé au Festival d’Humour 2015 d’Aix en Provence

5 personnages :
4 maçons + 1 journaliste qui les interview

3 maçons, Bébert, Dédé et Loulou s’attablent avec leurs bouteilles.
Le sketch embraye sur la chanson « c’est nous les maçons » que sont en train de chanter les acteurs.

BEBERT : à quelle heure elle va arriver cette journaliste ? etc….
DEDE : et tu sais, toi, pourquoi elle veut nous interviewer ?
LOULOU : j’sais pas.
La journaliste entre en scène et les rejoint
BEBERT, LOULOU & DEDE : Bonjour madame ! (Égrillards mais néanmoins polis, respectueux)
DEDE : Alors, qu’est-ce que vous voulez savoir sur notre art ?
BEBERT : ouais, c’est un art la maçonnerie… un art royal !
LOULOU : Ouais, on est des artistes !
Jojo, venant du fond de la salle en pas précipité un peu instable, les interpelle :
JOJO : Eh ho ! attendez moi, j’arrive !
BEBERT & DEDE : Eh Jojo, dépêche-toi, toujours en retard.
Jojo les rejoint en interrompant l’interview.
JOJO : Salut Bébert, salut Dédé…(Désignant LOULOU) qui c’est  çui-là ?
BEBERT : un nouveau.
DEDE : on l’initie.
JOJO : (prenant en considération la journaliste) Ah ! C’est vous la journaliste ? Bonjour madame…
(Alors que la journaliste lui tend la main, Jojo se penche sur elle en l’embrassant)
Non ! La bise ! La bise !
BEBERT, LOULOU, DEDE (se lèvent alors, libérés par la hardiesse de Jojo, et tentent d’enlacer la journaliste) : La bise ! La bise !
Ils se rassoient
JOURNALISTE : (reprenant son interview, ironique ou dubitative après le comportement des énergumènes) Alors pour vous la maçonnerie est un art.
BEBERT : C’est sûr que la maçonnerie c’est un art, pour d’autres ça peut être la peinture, la musique, tout ça, mais pour nous c’est la maçonnerie quoi, c’est un art…
BEBERT, LOULOU & DEDE : Ben ouais c’est sûr, c’est un art.
DEDE : Bon et pis faut quand même bien dire que la maçonnerie, c’est typique de l’Occident. L’Occident, c’est pas l’Orient mais c’est l’Occident. L’Orient c’est où ?
JOJO : Attends Dédé y’en a qui disent que Lorient c’est en Bretagne.
DEDE : Mais non… l’Orient c’est l’Orient. M’enfin, la maçonnerie c’est l’Occident non!  (en interpellant la salle)
BEBERT : L’Orient c’est autre chose. (L’air très inspiré) faut dire que quelque part la maçonnerie (en se levant, et en élevant lentement ses mains vers le ciel) c’est une communion avec l’esprit quoi !
JOJO & DEDE – une communion avec l’esprit (en prenant une position calquée sur celle de Bébert.)
Un temps de silence et d’extase…
LOULOU observe, subjugué par les « anciens ». Il donne l’impression de s’instruire… parfois il répète ce que disent les autres.
JOURNALISTE : Il faut entreprendre une démarche spirituelle pour être maçon ? (ironique)
BEBERT  + DEDE  + JOJO : (ils tapent sur la table et rient grassement) Ah putain !
DEDE : C’est essentiel,
BEBERT : faut bien être spirituel, non ? (interpellation de la salle)
JOJO : Ah Putain c’est essentiel
BEBERT : Moi je dirais que la maçonnerie c’est l’esprit de camaraderie, c’est la fraternité dans l’effort contre la rudesse de la vie profane.
DEDE & JOJO : La rudesse de la vie profane…
DEDE : C’est les copains, c’est la camaraderie… c’est la poésie !
Un temps
JOURNALISTE : Et les risques ? Vous m’avez parlé des… des cordons.
DEDE : (interloqué) ben… bon, c’est l’accident bête quoi, (désespéré) on croit que c’est anodin, bon ben, on t’enlève ton cordon… et puis pfft… plus rien.
BEBERT  + JOJO : pfft… plus rien (prenant à témoin la salle)
Un temps court
Puis LOULOU (qui répète, seul) : pfft, plus rien !
JOJO + BEBERT  +DEDE : (se tournent vers LOULOU, stupéfaits)
JOJO : pour qui y’s’prend le nouveau ?
JOURNALISTE : (énervée) Plus rien ?
DEDE : Ben y’a trois mois j’étais encore Véné avec mon cordon bon, ben… (crescendo) et puis y’a eu les élections, bon… c’est l’accident bête quoi. Enfin c’est sûr qu’un cordon comme celui là j’en trouverai pas deux.
BEBERT : Ben c’est sûr…
tous restent rêveurs
JOURNALISTE : Mais au fait quelle différence y a t il entre le bon et le mauvais maçon ?
TOUS : RIRES –
JOJO : Ah j’l’attendais celle là, j’l’attendais. Non mais, le mauvais maçon bon, ben, c’est le gars qui vient en loge… on lui donne la parole, il la prend…
BEBERT + DEDE : Eh oui !
JOURNALISTE : Et le bon maçon ?
JOJO : Le bon maçon c’est un gars qui vient en loge… on lui donne la parole, il la prend mais….
DEDE : Mais c’est pas la même chose ; y’a le bon maçon, et y’a le mauvais maçon, y’a le franc et le pas franc.
BEBERT : Bon y faut expliquer, tu vois, y’a le mauvais maçon, on lui donne la parole, il la prend. Le bon maçon, on lui donne la parole, il la prend mais c’est un bon maçon.
JOJO : Voilà, c’est ça, on peut pas les confondre.
DEDE (convainquant) Y’a le mauvais maçon, on lui donne la parole, il la prend c’est sûr, alors là on le reconnaît à la ronde, mais le bon maçon on lui donne la parole, il la prend mais c’est un bon maçon quoi… Bon ! Toute façon c’est des questions à la con ça !
BEBERT : Non Dédé, faut leur expliquer aux gens parce qu’après, ils savent pas faire la différence.
(un temps)
JOURNALISTE : On dit qu’il y a trop de maçons.
BEBERT : AH ÇA !  ça c’est la faute aux mauvais maçons, les bon maçons y’en a pas de trop, hein. (Cherche l’accord du public)
DEDE  + JOJO : Ah ben ça c’est sûr, hein.
BEBERT : Tiens, par exemple là, c’est pas grand : 100m² pas plus ; on a limité à six cent maçons, ça fait quand même 6 maçons au m², hein, eh ben ça, y’a que l’ bon maçon qui sait s’limiter.
JOURNALISTE (agacée, provocante) On dit que maçonnerie rime avec beuverie.
TOUS : Ah, l’autre ! C’est des conneries tout ça !
JOJO : Faut dire que le bon maçon, y quitte jamais la salle humide sans avoir descendu 3 ou 4 litres.
DEDE  + BEBERT + LOULOU : Ah ouais, 3/ 4 litres c’est un minimum.
JOURNALISTE : Mais ce n’est pas dangereux ?
DEDE : Y faut bien se dire que c’est pour se donner des forces… la fraternité c’est quoi ? Bon, ça fait pression, alors y faut des forces.
BEBERT : (à l’adresse de la journaliste) vous pouvez pas imaginer vous qui connaissez pas ce qu’est la fraternité.
JOJO : Ouais et pis comme ça, la fraternité on peut mieux la supporter.
LOULOU : (désabusé) Ouais, il faut la supporter, la fraternité !
JOJO + BEBERT + DEDE : (stupéfaits,  se tournent vers LOULOU, restent quelques secondes interloqués. Loulou devient tout penaud d’avoir blasphémé. À son âge !)
JOURNALISTE : Où est ce qu’on peut trouver les maçons ?
Rires, réflexions diverses
DEDE : Ah ben ça, un maçon y vous dira jamais où y s’trouvent les maçons !
Dédé commence à chanter
EN CHŒUR : CHANTÉ : (sur l’air du galérien)

Les frangins on s’fait du bien

Les frangines à la cuisine
Entre nous, y’a pas d’embrouilles

Faut pas qu’elles viennent nous casser… les…

La journaliste, déconfite, ramasse ses affaires et s’en va tandis qu’on tente de la retenir. Elle se sauve. Les 4 continuent à chanter en chaloupant comme des matelots ivres vers les coulisses.