Galu Imperator

Personnages principaux : Père Galu, Secretin Gibé, Imperator Ghelas, Madame de l’Imperator, capitaine Galabotte, Jacquinas, Bosas, Bouffas, Marcelovitch, Hans Énoch, l’Ombre.
Figurants : Les Officiers, Les Masques, les Servants, les Obligés et Conjurés, les Hérétifs, les Baffres.

ACTE 1
Premier tableau
Une salle du palais
Scène unique
Père Galu et son Secretin Gibé

                    Le Secretin Gibé mire son sautoir dans une glace
PÈRE GALU il entre
                    Merdre ! Merdre ! Merdre !
SECRETIN GIBÉ
                    Oh ! Voilà du joli, Père Galu. C’est la nouvelle acclamation ?
PÈRE GALU
Je suis content ! Et je le manifeste.
SECRETIN GIBÉ
Vous êtes un grand voyou, Père Galu. Vous êtes content des impératifs de votre destiné ?
PÈRE GALU
De par ma grande cuillère, merdre, Secretin Gibé, certes oui je suis content. On le serait à moins. Ne suis-je pas Chantepleure des Pakas , Officier de confiance de l’Imperator, décoré de l’Aigle rouge d’Écosse et ancien Grand Second des Frimassons ? Que voulez-vous de mieux ?
SECRETIN GIBÉ
Comment ! Après avoir chaperonné le Grand Frimasson vous vous contentez de mener quelques colonnes d’estafiers armés de règles coupe-jarrets, quand vous pourriez faire succéder sur votre coiffe la couronne d’Écosse aux lauriers  des Frimassons ?
PÈRE GALU
Ah ! Secretin Gibé, ai-je bien compris ce que tu dis ? (Il réfléchit) De par ma grande cuillère, l’Imperator est encore bien installé ! Et même en admettant qu’on le démolisse, n’a-t-il pas des légions de Chevaliers Servant à sa solde ?
SECRETIN GIBÉ
Qui t’empêche de virer tous les Chevaliers et de prendre la place ?
PÈRE GALU
Ah ! Secretin Gibé, vous me faîtes injure et vous allez passer sur l’heure par l’épée.
Il fait mine de retirer l’épée absente du cordon qui lui sert de baudrier
SECRETIN GIBÉ
Eh ! Pauvre malheureux, si je passais par l’épée, qui te passerait les coussins rehausseurs ?
PÈRE GALU
Eh vraiment ! Et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?
SECRETIN GIBÉ
À ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment ton pouvoir de nuisance, manger fort souvent de l’andouille et fumer des cigares.
PÈRE GALU rêveur
Ahhh… Si j’étais Imperator, je me ferais tailler une grande cape noire doublée d’hermine comme celle que j’ai vue chez les Hérétifs …
SECRETIN GIBÉ
Tu pourrais aussi te procurer une grande balayette et un ventilo qui te donnerait l’air…
PÈRE GALU
Ah ! Je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je rencontre l’Imperator à la porte du Septentrion, je lui pète un boulon… (Il se ravise) Et puis non ! Moi Chantepleure des Pakas, détrôner Salomon ! Plutôt mourir !
SECRETIN GIBÉ
                    (À part 🙂  Oh ! Prout !  (Haut 🙂 Ainsi tu vas rester Masque toute ta vie, comme un apprenti, Père Galu ?
PÈRE GALU
Ventrebleu de logebleu, de par ma grande cuillère, j’aime mieux être Masque comme un petit et brave apprenti que  grande Fiole comme un gras et méchant maître.
SECRETIN GIBÉ
Et la cape doublée d’hermine ? Et la grande balayette ? Et le ventilo ?
PÈRE GALU
Et après, Secretin Gibé ?
                    Il s’en va en claquant la porte
SECRETIN GIBÉ resté seul
Prout ! Il a été dur à la détente, mais prout, je crois pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours deviendrai-je le premier Secretin d’Écosse.

Deuxième tableau
La « salle humide » du palais où une table est dressée
Scène 1
Père Galu, Secretin Gibé

SECRETIN GIBÉ
Eh ! Nos invités sont bien en retard.
PÈRE GALU
Oui, de par ma grande cuillère. Je crève de faim. Gibé, tu es bien mal attifé aujourd’hui. Est-ce parce que nous avons du monde ?
SECRETIN GIBÉ haussant les épaules
Merdre !
PÈRE GALU
Tiens, j’ai faim, je vais mordre dans cet oiseau. C’est du Pélican, je crois. Il n’est pas mauvais.
SECRETIN GIBÉ
Que fais-tu, malheureux ? Que mangeront nos invités ?
PÈRE GALU
Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien… Secretin Gibé, va donc voir au judas si nos invités arrivent.
SECRETIN GIBÉ
Je ne vois rien.
Pendant ce temps, Père Galu dérobe une aile de Phénix encore fumante
                    Ah ! Voilà le capitaine Galabotte et ses partisans qui arrivent… Mais que manges-tu donc, Galu ?
PÈRE GALU
Rien… un peu de Phénix.
SECRETIN GIBÉ
Ah ! Le Phénix ! Le Phénix ! Le Phénix ! Il a mangé le Phénix ! Au secours ! Au feu !
PÈRE GALU
De par ma grande cuillère, je te vais arracher les yeux.
La porte s’ouvre

Scène 2
Entrent le capitaine Galabotte et ses partisans

SECRETIN GIBÉ
Bonjour, mes Baffres , nous vous attendons avec impatience.
CAPITAINE GALABOTTE
Bonjour Checretin Gibé. Mais où est donc le Père Galu ?
PÈRE GALU
Ici ! Sapristi, je suis pourtant assez visible.
CAPITAINE GALABOTTE
Chalut et Fraternité, Père Galu. Acheyez-vous, mes Baffres.
Ils s’asseyent tous
Eh ! Checretin Gibé ! Que nous donnes-tu de bon auchourd’hui ?
SECRETIN GIBÉ
Voici le menu : Soupe capitulaire, bouillie écossaise, phénix flambé, pâté d’agneau, croupions de pélican, calotte glacée…
PÈRE GALU
Eh ! Eh ! Et quoi encore ?
SECRETIN GIBÉ
Bombe mystique, salade tradition, friture de nœuds, choux-fleurs au Vitriol.
PÈRE GALU
Eh ! Me crois-tu empereur d’Orient et d’Occident pour offrir de telles agapes ?
SECRETIN GIBÉ
Dîne plutôt, Père Galu. Voilà de la bouillie écossaise.
PÈRE GALU
Bougre que c’est mauvais !
CAPITAINE GALABOTTE
Ch’est pas bon, en effet.
SECRETIN GIBÉ
Tas d’hérétiques, que vous faut-il ?
PÈRE GALU se frappant le front
Oh ! J’ai une idée. Je reviens de suite.
Il s’en va
SECRETIN GIBÉ
Mes Baffres, nous allons goûter l’agneau… et les croupions maintenant.
CAPITAINE GALABOTTE
Echquis, echquis ! Vive le Checretin Gibé !
TOUS
Vive le Secretin Gibé !
PÈRE GALU rentrant (Il tient une balayette innommable à la main)
Et vous allez bientôt crier vive Père Galu.
SECRETIN GIBÉ
Vénérable misérable, que fais-tu ?
PÈRE GALU
Il plonge la balayette dans les choux-fleurs qu’il projette sur les convives
À la porte tout le monde ! Ouste !
LES AUTRES
Eh ! Nous n’avons pas dîné.
PÈRE GALU
Comment, vous n’avez pas dîné ! A la porte, tout le monde ! Restez Capitaine. J’ai à vous parler.
Personne ne bouge
PÈRE GALU
Vous n’êtes pas parti ? De par ma grande cuillère, je vais vous gifler de calottes glacées.
Il commence à en distribuer
TOUS
Oh ! Aïe ! A nous les fils de Sabah ! Défendons-nous ! Malheur ! Je suis mort !
PÈRE GALU
Merdre, merdre, merdre ! A la porte !
TOUS
S’enfuyant, suivis du Secretin Gibé, à l’exception du capitaine Galabotte
Sauve qui peut ! Misérable Père Galu ! Traître et méchant Masque !

 

Scène 3

 

PÈRE GALU
Ah ! Les voilà partis. Je respire. Eh bien, capitaine Galabotte, avez-vous bien dîné ?… Je suis décidé à te faire Surpuissant Grand Chevalier du Temple de l’Étang de Verre !
CAPITAINE GALABOTTE soufflé
Mais… Comment le pourriez-vous ? Je vous croyais chimple Machque, Père Galu.
PÈRE GALU
Dans quelques jours, si tu veux, je règne sur l’Écosse.
CAPITAINE GALABOTTE
Vous allez démolir l’Imperator ?
PÈRE GALU à part
Il n’est pas bête, le bougre, il a deviné.
CAPITAINE GALABOTTE
Ch’il s’agit de démolir l’Imperator, j’en chuis. Chuis chon mortel envieux et je réponds de mes partijans.
PÈRE GALU Se jetant sur lui pour lui donner l’accolade
Oh ! Oh ! Je t’aime, Galabotte.
CAPITAINE GALABOTTE
Eh ! Vous empechtez l’ail, Père Galu. Ne vous lavez vous donc chamais les dents ?
PÈRE GALU
Rarement.
Entre le Secretin Gibé
SECRETIN GIBÉ
Jamais !
PÈRE GALU
Je vais t’écraser les doigts de pieds.
SECRETIN GIBÉ
Pfutt !
PÈRE GALU
Allez, Capitaine, j’en ai fini avec vous. Mais, par ma grande cuillère, je jure sur Secretin Gibé de vous faire Grand Chevalier du Temple de l’Étang de Verre.
Galabotte sort

Scène 4
Père Galu, Secretin Gibé
Entre un messager

PÈRE GALU
Toi, que me veux-tu ? Fiche le camp, tu me fatigues.
LE MESSAGER
Illustre Masque, vous êtes appelé par l’Imperator.
Il sort
PÈRE GALU pleurnichant
Oh ! Merdre, jarnilogebleu, de par ma grande cuillère, je suis découvert, je vais être radié ! Hélas ! Hélas ! Hélas !
se ravisant
Oh ! J’ai une idée : je dirai que c’est le Secretin Gibé et Galabotte.
SECRETIN GIBÉ
Ah ! Gros Père Galu si tu fais ça…
PÈRE GALU
J’y vais de ce pas.
Il sort
SECRETIN GIBÉ Courant après lui et sortant à son tour
Oh ! Galu, Père Galu, je te commanderai de l’andouille… et des cigares.
PÈRE GALU en coulisse
Oh ! Merdre ! Tu en es une fière, d’andouille.

ACTE 2
Troisième tableau
La salle du Grand Conseil d’Écosse
Scène unique
Imperator Ghelas, entouré de ses Masques ; Galabotte ; les Officiers Bosas, Jaquinas, Bouffas. Puis Galu.

 

PÈRE GALU
Il entre en gémissant et se dirige versl’Imperator Ghelas
Oh ! Vous savez, ce n’est pas moi, c’est mon Secretin Gibé… et Galabotte.
L’IMPERATOR étonné
Qu’as-tu Père Galu ?
SECRETIN GIBÉ
Il a trop bu.
L’IMPERATOR
Père Galu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme Chantepleure des Pakas, et je te fais aujourd’hui Grand Inquisiteur. Trouve-toi demain matin à la grande tenue.
PÈRE GALU
J’y serai. Alors acceptez, de grâce, ce petit mirliton
Il présente à l’imperator un mirliton qu’il a tiré de ses poches
L’IMPERATOR
Que veux-tu à mon âge que je fasse d’un mirliton ? Je le donnerai à Bouffas, le Maîtres des Gausseries.
BOUFFAS
Est-il bête, ce Galu !
PÈRE GALU
Et maintenant, je vais foutre le camp.
Il rate les 3 marches et tombe en se retournant
Oh ! Aïe ! Au secours ! De par ma grande cuillère, je me suis rompu l’intestin et crevé la bouzine !
Tous sortent, laissant Gibé et Galu gémir au bas des marches

Idem tableau 1
Scène unique
Une salle du palais

 

Père Galu, Secretin Gibé, capitaine Galabotte, Obligés et Conjurés (hommes et femmes).
Entrent Galabotte et ses partisans
PÈRE GALU
Eh ! Mes bons amis, il est grand temps d’arrêter le plan de conspiration. Que chacun donne son avis. Je vais d’abord donner le mien !
CAPITAINE GALABOTTE
Parlez, Père Galu.
PÈRE GALU
Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement l’Imperator en bourrant d’hilare son rituel. Quand il voudra dégoiser, il sera pris de pouffe et nous pourrons en séance le débiner. Il tombera, destitué, et je serai Imperator.
TOUS
Fi, le sagouin !
PÈRE GALU
Eh quoi ! Cela ne vous plaît pas ? Alors que Galabotte donne son avis !
CAPITAINE GALABOTTE
Moi, chuis d’avis de lui ficher un grand coup d’équerre chur le blaire et de lui fendre la poire.
TOUS
Oui ! Voilà qui est noble et vaillant.
PÈRE GALU
Et s’il vous donne des coups de pied ? Je me rappelle maintenant qu’il porte en tenue des souliers ferrés pour frapper le pavé… (Il prend peur) Mais alors, c’est toi Galabotte qui te charge de fendre la poire à l’Imperator.
CAPITAINE GALABOTTE
Ne vaudrait-il pas mieux nous jeter touch à la fois chur lui en rigolant et en braillant ? Nous pourrions ainchi entraîner les plus timorés.
PÈRE GALU
Alors voilà. Je tâcherai de lui glisser une vanne, il se raidira, alors je lui dirai : « on peut plus rigoler ? Merdre ! » Et à ce signal vous vous jetterez sur lui.
SECRETIN GIBÉ
Oui, et dés qu’il sera pris d’hilarité, nous le destituerons.
CAPITAINE GALABOTTE
Et j’interdirai avec mes partijans la fuite des Machques et des Offichiers légitimichtes.
PÈRE GALU
Oui, et je te recommande le jeune Bouffas
Tous s’apprêtent à sortir
PÈRE GALU courant après les Obligés et Conjurés et les faisant revenir
Messieurs, Mesdames, nous avons oublié l’essentiel, il faut me prêter serment d’obéissance.
CAPITAINE GALABOTTE
Comment faire ? Nous n’avons pas de Livre.
PÈRE GALU
Maraud ! Coquin ! Je vais t’en fiche, moi, des Écritures.
TOUS
La peste soit des écrits !
PÈRE GALU
Ainsi vous me jurez obéissance ?
TOUS
Oui, nous le jurons. Vive le Père Galu !
Tous sortent

Idem tableau 3
La salle du Grand Conseil d’Écosse
Scène unique
Imperator Ghelas, madame de l’Imperator, Bosas, Jacquinas et Bouffas.

L’IMPERATOR s’adressant à Bouffas
Maître des Gausseries, vous avez été ce matin fort impertinent avec le Père Galu Chevalier de mes Ordres et Grand Inquisiteur. C’est pourquoi je vous défends de paraître à la Grande tenue, à moins que je ne reçoive de vous des excuses écrites.
MADAME DE L’IMPERATOR
Cependant Ghelas, vous n’auriez pas trop de tous vos amis pour vous défendre.
L’IMPERATOR
Madame, je ne reviens jamais sur ce que j’ai dit. Et que deviendrait la Hiérarchie si nous la livrions à l’impertinence ?
BOUFFAS
Je vous obéis, Illustre Imperator.
MADAME DE L’IMPERATOR
Enfin, mon ami, êtes-vous toujours décidé à aller à cette tenue ?
L’IMPERATOR
Pourquoi non, madame ?
MADAME DE L’IMPERATOR
Mais, encore une fois, ne l’ai-je pas vu en songe vous frappant de sa grande cuillère et vous jetant dans les braises, et l’aigle bicéphale comme celui qui figure au dos de votre blouson lui plaçant la couronne d’Écosse sur la tête ?
L’IMPERATOR
A qui ?
MADAME DE L’IMPERATOR
Au Père Galu.
L’IMPERATOR
Quelle folie ! Ce Père Galu est un fort bon Chevalier qui se ferait tirer à quatre chevaux pour mon service.
MADAME DE L’IMPERATOR et BOUFFAS
Quelle erreur !
L’IMPERATOR
Taisez-vous, jeune bouffon. Et vous, madame, pour vous prouver combien je crains Père Galu, je vais aller en tenue comme je suis, sans poignard ni épée.
MADAME DE L’IMPERATOR
Fatale imprudence, je ne vous reverrai plus en vos brillants décors.
L’IMPERATOR
Venez, Bosas. Venez, Jacquinas.      (Ils sortent)

 

Quatrième tableau
Les parvis de la salle du Grand Conseil

Scène 1
Les Chevaliers servants, l’Imperator, Bosas, Jacquinas, Galu, Secretin Gibé, Capitaine Galabotte et ses Baffres, Obligés et Conjurés

 

L’IMPERATOR
Illustre Père Galu, venez près de moi avec votre Secretin Gibé. Préparons nous à entrer.
PÈRE GALU Aux siens
Prêtez attention, vous autres. (à l’Imperator) On y va, Très Illustre Imperator, on y va !
Les obligés de Galu entourent l’Imperator
L’IMPERATOR
Ah ! Voici vos porteurs d’attaché-case… Ils sont fort bien rasés, ma foi.
PÈRE GALU
Vous trouvez ? Ils me paraissent misérables. Regardez celui-ci. (À l’un des Obligés) Depuis combien de temps n’as-tu pas lavé tes gants, ignoble drôle ?
L’IMPERATOR
Mais ce Baffre est fort propre. Qu’avez-vous, Père Galu ?
PÈRE GALU
Mais quoi ! On peut plus rigoler ?
L’IMPERATOR
Mais si, Galu ! Que tu es drôle ! Ah ! Ah ! Ah !
PÈRE GALU
Merdre ! A moi, mes Baffres !
CAPITAINE GALABOTTE
Hurrah ! Hurrah ! Hurrah ! En avant !
Tous chatouillent l’Imperator
L’IMPERATOR
Oooh ! Aaah ! Hiii ! Je suis mort.
BOSAS à Jacquinas
Qu’est cela ?
JACQUINAS à Bosas
Une rise-à-mort !
PÈRE GALU
Ah ! J’ai la couronne ! Aux autres maintenant.
CAPITAINE GALABOTTE
Chuch aux traîtres !
Bosas et Jacquinas s’enfuient, tous les poursuivent en riant

 

Scène 2
Madame de l’Imperator et Bouffas. (La porte est défoncée) Père Galu et les forcenés pénètrent

PÈRE GALU
Eh ! Bouffas, je vais te casser la tête.
BOUFFAS
Rigole encore Galu !
PÈRE GALU
Rends-toi, Bouffas !
MADAME DE L’IMPERATOR
Tenez bon, Bouffas, tenez bon !
PLUSIEURS ils avancent
Bouffas, nous te promettons un procès juste.
BOUFFAS
Chenapans, faux derches, cordonneux !
PÈRE GALU
Oh ! Je vais bien en venir à bout tout de même !
BOUFFAS
Ne me touche pas ! Sauvez-vous madame par l’escalier secret.
MADAME DE L’IMPERATOR
Et vous, mon ami ?
BOUFFAS
Je vous suis.
PÈRE GALU
Tâchez d’attraper la dame de l’imperator. Ah ! La voilà partie. Quant à toi, misérable…
Il s’avance vers Bouffas
BOUFFAS
Par Saint Jean des Casses ! Voilà ma vengeance !
Il lui jette au front son dernier pamphlet et disparaît par l’escalier secret

Scène 3
Une caverne dans les montagnes
Le jeune Bouffas entre, suivi de Madame de l’Imperator

BOUFFAS
Ici, nous serons en sûreté.
MADAME DE L’IMPERATOR
Oui, je le crois ! Bouffas, soutenez-moi !
BOUFFAS
Ha ! Qu’avez-vous Madame ?
MADAME DE L’IMPERATOR
Je suis bien lasse, Bouffas. Je n’ai plus que jusqu’à minuit à vivre.
BOUFFAS
Quoi ? Le Rite vous a-t-il pris, vous aussi ?
MADAME DE L’IMPERATOR
Comment voulez-vous que je résiste à ces trois coups ? L’Imperator destitué, son Conseil de Masques détruit, et vous, représentant de la parole qui  jamais n’ait été perdue, forcé de vous enfuir dans les montagnes au risque que la mort ne vous surprenne en chemin.
BOUFFAS
Et par qui ? Un vulgaire Père Galu, aventurier sorti on ne sait d’où, vile crapule, vagabond honteux ! Et quand je pense que votre époux l’Imperator l’a décoré et fait Grand Inquisiteur et q

Cinquième tableau
Un modeste temple de Province
Scène 1
Plusieurs Baffres sont rassemblés

UN BAFFRE entrant
Apprenez la grande nouvelle. L’Imperator est mort, et le jeune Bouffas s’est sauvé avec Madame de l’Imperator dans les montagnes au risque que la mort ne les surprenne en chemin. De plus, Père Galu s’est emparé de la couronne d’Écosse.
UN AUTRE
J’en sais bien d’autres. Je viens de la place du Tertre où l’on a arraché tous les acacias. J’ai vu emporter plus de trois cents Hérétifs et des Grands Juges et des Trésoriers dans un grand cénotaphe ; et il paraît qu’on va tripler les capitations et que Père Galu viendra lui-même faire circuler les troncs.
TOUS
C’est abominable. Père Galu est un affreux sagouin.
UN BAFFRE
Mais, écoutez : ne dirait-on pas qu’on frappe en traître à la porte du temple ?
UNE VOIX au dehors
Logeguidouille ! Ouvrez, de par ma merdre, par Jean qui rit et Jean qui pleure ! Ouvrez, sabre à finances, corne finances, temples impies. Je viens encaisser les capitations !
La porte est défoncée, Galu pénètre suivi d’une légion de grippe-sous

Scène 2

 

PÈRE GALU
Qui de vous est le plus capé ?
Un vieux Baffre s’avance
Comment te nommes-tu ?
LE VIEUX BAFFRE
Hans Énoch.
PÈRE GALU
Eh bien, logebidouille, écoute-moi bien, sinon mes servants te coupent les oneilles. Mais vas-tu m’écouter enfin ?
HANS
Mais votre illustre Sérénité n’a encore rien dit.
PÈRE GALU
Comment, je parle depuis une heure ! Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert ?
HANS
Loin de moi cette pensée.
PÈRE GALU
Je viens donc te dire, t’ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras démoli. Allons, mes Servants de finance, apportez les casques.
On apporte les casques
HANS
Illustre Imperator, nous ne sommes inscrits que pour dix tenues mensuelles, que nous avons déjà payées au Comité des Baffres, à la Sacafinance, au Conseil des Troncs, à la Mutuelle le la Veuve…
PÈRE GALU
Dix tenues mensuelles ? Honteux ! Vous travaillez trop. Travaillez plus pour payer plus, c’est la nouvelle devise. Casquez !
DES BAFFRES
Nous ne pouvons. Nous avons déjà casqué.
PÈRE GALU
Casquez ! Ou je vous pousse de ma balayette et vous cogne de ma grande cuillère ! Logeguidouille, Sacrelogebleu, je suis l’Imperator peut-être !
TOUS LES BAFFRES
Ah ! C’est ainsi ? Aux armes !
PÈRE GALU
En avant, Servants des Finances, accomplissez votre devoir.
Une lutte s’engage, le temple est détruit, les outils dispersés, et le vieil Hans Énoch s’enfuit dans la vallée au pas rapide de son chameau. Père Galu reste seul à ramasser le produit des troncs

ACTE 4
Sixième tableau
La salle du Conseil des Français
Scène unique
Le Grand Hémostatique et son Grand Collège, Galabotte

GRAND HEMOSTATIQUE
C’est toi, infâme lécheur, qui a coopéré à la destitution de mon Équivalent Imperator d’Écosse Ghelas ?
GALABOTTE
Très Illuchtre Hémochtatique, pardonnez-moi, j’ai été entraîné malgré moi par le Père Galu.
GRAND HEMOSTATIQUE
Oh ! L’affreux menteur. Enfin, que désires-tu ?
GALABOTTE
Galu m’a démoli sous prétexchte de conchpiration, je chuis parvenu à me déguiser et avec les mots de pache que j’ai choutiré dans vos chapitres véreux, j’ai réuchi à venir juchqu’à vous pour implorer votre grachieuse mijéricorde.
GRAND HEMOSTATIQUE
Que m’apportes-tu comme gage de ta soumission ?
GALABOTTE
Mon épée de lécheur et l’anchien rituel des Écochais, taillé et rectifié.
GRAND HEMOSTATIQUE
Je prends l’épée, mais par le Grand Régulateur, brûlez ce rituel, je ne veux pas devoir ma victoire à un fac-similé.
GALABOTTE
Un des Chupporters de Ghelach, le jeune Bouffach, est encore sur le Chentier Lumineux ; je ferai tout pour le blanchir de la noircheur que le Père Galu et son Checretin m’ont forché à lui coller.
GRAND HEMOSTATIQUE
Quel grade avais-tu dans les vallées d’Écosse ?
GALABOTTE
Capitaine… Euh ! Non… SChurpuichant Chevalier du Temple de Verre. C’est moi qui dirigeais le groupe des Partijans de l’Étang de Verre.
GRAND HEMOSTATIQUE
C’est bien, je te nomme Chef des Reîtres, et gare à toi si tu trahis. Si tu me sers bien tu seras récompensé.
GALABOTTE
Je ne chais faire que cha, Grand Hémochtatique.
GRAND HEMOSTATIQUE
C’est bien, disparais de ma présence.
Il sort

Idem tableau 3
La salle du Grand Conseil d’Écosse
Scène unique
Père Galu, Secretin Gibé, Officiers des Phynances

 

PÈRE GALU
Mes Masques et Baffres, les travaux sont ouverts et tachez de bien écouter et de rester obéissants. D’abord, nous   allons ouvrir le chapitre des Phynances, ensuite nous parlerons d’un petit système que j’ai imaginé pour gonfler les bourses des colonnes qui s’étiolent, mais que nous ferons casquer.
LE GRAND TRESORIER
Fort bien, Père Galu.
PÈRE GALU
Imperator Galu !
LE GRAND TRESORIER
Imperator Galu, Père Galu !
SECRETIN GIBÉ
Deux sots !
PÈRE GALU
Secretin de merdre, garde à vous, car je ne souffrirai vos sottises. Je vous disais donc que les Baffres plient sous le poids de nos Phynances. Mais pendant qu’ils plient, ils ne se dressent pas.
UN OFFICIER
Et les nouvelles taxes, Imperator Galu, vont-elles bien ?
SECRETIN GIBÉ
Point du tout. La taxe sur les démolitions n’a encore rien produit. Les radiés partent sans s’acquitter de leur dette.
PÈRE GALU
Sabre à finance, corne de ma logedouille, Secretin de merdreux, j’ai des oneilles (sic) pour parler et vous une bouche pour m’entendre. (Éclats de rire.) Vous me faîtes tromper corne de Galu !
Un messager entre
Allons bon, qu’a-t-il encore celui là ? Va t-en, sagouin, ou je te poche avec ma balayette.
SECRETIN GIBÉ
Mais il a une lettre !
PÈRE GALU
Lis-la. Dépêche-toi, ce doit être de Galabotte.
SECRETIN GIBÉ
Tout justement. Il dit que le Grand Hémostatique l’a accueilli très bien, qu’il va réunir le Grand Collège pour rétablir Bouffas et que toi tu seras cassé.
PÈRE GALU
Ho ! Ho ! Quoi ? Ce grand Corniaud d’Hémostatique ne me reconnaît plus ? Ne se souvient-il pas comment avec ma balayette j’ai soutenu son élection de Grand Frimasson ? Paris de merdre ! France-Écosse… ça promettait pourtant ! Y’avait plus qu’à transformer l’essai. Qu’allons-nous devenir à présent ?
SECRETIN GIBÉ
Il n’y a qu’un parti à prendre, Père Galu.
PÈRE GALU
Lequel, Secretin fidèle ?
SECRETIN GIBÉ
La fuite !
PÈRE GALU
Pas question, je suis un Galu coriace…
SECRETIN GIBÉ
Ça n’empêche pas de fuir comme un Horace.
Ils fuient

 

ACTE 5
Septième tableau
Le pont d’un navire courant au plus près contre le Mistral
Scène dernière
Sur le pont, Père Galu et toute sa bande

LE COMMANDANT
Ah ! Quel pastis !
PÈRE GALU
Il est de fait que nous filons avec une rapidité qui tient du prodige. Nous devons faire au moins un million de nœuds à l’heure, et des bons nœuds, ceux-ci. Il n’y a pas de mou comme dans la corde à nœuds à la houppe qui orne les temples d’Écosse. Il est vrai que nous allons vent arrière.
UN BAFFRE MATELOT
Quel triste imbécile !
Une risée couche brutalement le navire
LE COMMANDANT
Tout le monde sous le vent, bordez le foc !
PÈRE GALU
Ah ! Mais non, par exemple ! Ne vous mettez pas tous du même côté ! C’est imprudent, ça.
UN OFFICIER
Tu nous as toujours demandé d’être du même côté… le tien, Père Galu.
PÈRE GALU
Oui ! C’est quand nous étions dans le vent, merdre !
LE COMMANDANT
N’arrivez pas, serrez au près !
PÈRE GALU
Si ! Si ! Arrivez. Je suis pressé, moi, d’arriver à Phocée ! Arrivez, entendez-vous ? C’est ta faute, brute de capitaine, si nous n’arrivons pas. Nous devrions être arrivés. Oh, oh, mais je vais commander, moi, alors. Parez à virer ! A Dieu vat ! Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière. Hissez les voiles, serrez les voiles, la barre dessus, la barre dessous, la barre à côté.
Tous se tordent de rire. Mais le Mistral fraîchit.
LE COMMANDANT
Amenez le grand foc, prenez un ris aux huniers !
PÈRE GALU
Ah ! Voilà qui est bien. Descendez le froc et secouez le prunier.
Plusieurs agonisent de rire. Une lame embarque.
PÈRE GALU
Oh ! Quel déluge ! C’est l’effet des manœuvres perverses que tu as ordonnées. Attends que nous soyons à terre, Capitaine de merdreux, et que je retrouve ma grande cuillère !
Le vent se calme.
MARCELOVITCH le sautoir jauni par les dégueulis
Ah ! Quel délice de revoir bientôt les vieux Baffres d’amour, le temple de la Belle Aride et le château d’If.
PÈRE GALU
Eh ! Nous y serons bientôt. J’aperçois la Bonne Mère.
GALABOTTE les poignets liés sur les épaules
Et nous éblouirons nos Baffres de l’Étang de Verre des réchits de nos javentures…
PÈRE GALU
Oh ! Ça, n’y compte pas, Galabotte. Mais je te nommerai tout de même Grand Percepteur des Finances quand je t’aurai coupé les mains.
SECRETIN GIBÉ
Ah ! Ciel enchanté ! Les Îles d’or ensoleillées et les rivages sans nuages, sans récifs ni Hérétifs…
MARCELOVITCH
Oui, notre Pays d’amour, comme il est gentil et comme il est beau.
PÈRE GALU
Ah ! Si beau qu’il soit il ne vaut pas l’Écosse. S’il n’y avait pas d’Écosse, il n’y aurait pas d’Écossais !

FIN

Petit lexique à l’usage des peu initiés :
Chantepleure : De par la forme d’entonnoir qui caractérise le couvre chef du titre.
Pakas : Désigne l’ensemble des Baffres alignés sur Phocée.
Cigares… Voir Tintin : les cigares du pharaon, à moins qu’il ne s’agisse des cigares d’un Illustre Quelconque…
Hérétifs : Secte de rétifs clanistes, déistes et mystiques.
Masque : Traduction exotérique de : M.A.S.C.
Baffres : Bien Aimés Frères… Basses : Bien aimées Sœurs… Ex. : Tête à Baffres. Pour exprimer l’amour fraternel.