Pièce – D’après « ne te promène pas toute nue » de Georges Feydeau, et l’adaptation de Philippe Bressy / « Pas folle la guêpe » – Font’Art Pernes les Fontaines 2017.
7 personnages : 3 hommes, 4 femmes
Marcel Chartier : chef d’entreprise, VM de sa loge.
Françoise Chartier : épouse de Marcel, suppléante de député, profane.
Sophie : secrétaire de son patron Marcel Chartier, Orateur de la loge de Marcel.
Nicole Frossard : Très sage du Chapitre écossais le Delta Sémillant.
Germain Dumoulin : propriétaire foncier, ex maçon.
François Chok : journaliste au journal l’Omnibus.
Ginette : photographe au même journal.
La pièce se passe sur la terrasse d’une maison. Marcel et Sophie s’entretiennent.
Scène 1
Marcel – Sophie, il faut qu’on le termine ce discours d’accueil des congressistes, mais j’ai besoin de souffler un peu. Je me demande si on n’en fait pas trop. Les discours, ça les gonfle pas un peu, tous ces Vénérables qui ne pensent qu’à l’heure où ils vont aller bouffer ?
Sophie – Écoute Marcel, on l’a presque bouclé ; reste juste quelques points de détail. Il sera prêt pour demain. C’est un texte formidable qui restera dans les annales du GOMU. Le discours conventuel du Vénérable Marcel Chartier. On parlera de toi, tu deviendras célèbre ! Bon. Repose-toi, je retourne devant mon écran… Je ramène les tasses à la cuisine.
Marcel – Pas question Sophie, je ne t’ai pas demandé de venir chez moi le week-end pour faire le ménage.
Sophie – Je débarrasse juste la table. Ces tasses attirent les mouches. Je vois même une guêpe qui rôde.
Marcel – Ne touche à rien. Ma femme le fera.
Sophie – (légèrement moqueuse) Madame la suppléante du député féministe Dubroc… Il le sait Dubroc que ta femme fait le ménage à la maison ?
Marcel – Ah ! ne te moque pas de Françoise ! ce n’est pas très maçonnique, ça ! (Sophie sort)
(seul, au public) Brave Sophie, une collègue de travail… ma secrétaire. C’est moi qui l’ai fait entrer en maçonnerie. Une bosseuse ! D’ailleurs ce n’est pas pour rien qu’elle est devenue notre Orateur.
(Françoise paraît en très petite tenue)
Ah non ! tu ne vas pas te promener comme ça dans la maison ! quelle allure ! si quelqu’un te voyait…
Françoise – Il ne te plait pas mon petit maillot fuschia ?
Marcel – Tu es ridicule ! Indécente même !
Françoise – Indécente ? dis carrément que tu voudrais que je cache ma féminité. Si je t’écoutais, je finirais par sortir voilée.
Marcel – Ne sois pas stupide, je te demande simplement de t’habiller correctement. Si Sophie te voyait ! Faut toujours que tu me fasses honte. C’est comme l’autre jour avec mon Collège d’Officiers ; tu débarques et tu ne trouves rien de mieux à dire à Henry, que tu n’as jamais vu : « J’espère que ce n’est pas votre femme qui repasse vos fringues ? ce faux pli de votre pantalon… »
Françoise – Eh bien oui, l’œil expert d’une femme…
Marcel – Peut-être, mais tu as mis la main à son pantalon… Et que je te lui remonte la main entre les jambes, que je te lui palpe la cuisse. Tu vois la honte ?
Françoise – C’est bon, la prochaine fois je lui demanderai de le quitter pour le lui repasser, son pantalon.
Marcel – Ah ! suffit !
Françoise – Tu peux critiquer ma tenue, mais parlons de la tienne, l’autre jour, au banquet de votre fête solsticiale, avec cette nouvelle apprentie de ta loge…
Marcel – Lili ?
Françoise – Oui ! Lili. (Il la regarde ahuri) Quoi ? tu ne t’en souviens pas, peut-être ?! Devant tout le monde, tes frangins, tes frangines ! Quand tu lui as sucé le cou.
Marcel – sucé le cou ?
Françoise – Parfaitement ! et d’une façon… j’en étais gênée pour elle. Dis que ce n’est pas vrai ! ose dire que tu ne lui as pas sucé le cou… et avec gourmandise même !
Marcel – Ne sois pas idiote ! tu sais très bien qu’elle venait de se faire piquer par une guêpe ! sa gorge gonflait et devenait toute violette. Personne pour lui venir en aide. Je me suis… dévoué pour aspirer le venin. Si tu appelles ça sucer le cou !
Françoise – Alors, si je comprends bien, il suffit qu’une guêpe vienne se poser sur une de tes frangines pour que tu la suces…
Marcel – N’importe quoi !… (Il crache) Cette conversation me donne un mauvais goût à la bouche.
Françoise – Le mauvais goût, c’est pas Lilli plutôt, non ?… Tiens ! Tu m’agaces ! je m’en vais !
Marcel – Allons Pupuce… Et toi, tu ne m’agaces pas, là, avec ta mauvaise foi ?
Françoise – Avoue qu’il y a de quoi se poser des questions, non ?… (Radoucie) Bon, excuse-moi. (Un temps) Tu m’en veux ?
Marcel – Je devrais !
Françoise – Mais aussi, mon Loulou, tu as de ces manières avec tes sœurs… On fait la paix ?
Marcel – Tu ne le mérites guère !… (Ils s’enlacent et s’embrassent)
Scène 2
Sophie – (elle entre brusquement et se cogne contre eux) Voilà, elle vient d’arriver… Oh pardon !
Françoise – (s’écarte vivement) vous ne pouvez pas frapper avant d’entrer ?
Sophie – c’est-à dire que… je ne me doutais pas que là… sur la terrasse… à cette heure-ci !
Françoise – Non mais ! je suis quand même chez moi ici, non ? Et c’est mon mari ! qu’est-ce que vous allez imaginer ?!
Sophie – Rien, rien…
Marcel – Bon ! qu’est-ce que tu veux Sophie ? Qui, vient d’arriver ?
Sophie – Eh bien la grande Nicole… Tu ne l’attendais pas ?
Marcel – Incroyable ! Elle ?
Sophie – Elle attend dans le hall ; avec un type que je ne connais pas… (s’adressant à Françoise) Heureusement que je ne les ai pas fait venir ici directement ! Vous parlez d’un tableau !
Françoise – (provocante) Mon portrait ne vous plait pas, Sophie ?
Marcel – Bon, ça va, toutes les deux ! Sophie, dis-leur que je suis occupé ! Ben ça alors, venir chez moi. Elle est gonflée… Qu’ils attendent un peu. (Aux femmes) Et arrêtez de regarder ma femme de la sorte : ma parole, on dirait que vous ne l’avez jamais vue !
Sophie – (au public, en sortant) Faut-dire que je ne la voyais pas comme ça, sa greluche… Elle a une de ces touches !
Scène 3
Françoise – Tu n’es pas tendre avec ta secrétaire !
Marcel – Tu as vu comment elle te regardait ?
Françoise – Comme une sœur non ? ou une belle-sœur plutôt ! ou peut-être comme une… Elle est maitresse, n’est-ce pas ! ?
Marcel – c’est mon employée. Et je la paie assez cher !
Françoise – (Un temps) C’est qui, cette Nicole qui vient te voir, sans prévenir ?
Marcel – Quelqu’un devant qui il est heureux que tu ne te sois pas montrée comme ça ! En plus, elle n’est pas très portée vers les Frères, si tu vois ce que je veux dire… alors ta petite tenue…
Françoise – ça aurait été rigolo ! C’est qui ?
Marcel – Je t’en ai parlé : Nicole Frossard, la Très Sage du Chapitre écossais le Delta Sémillant.
Françoise – Elle ? la vache ! après ce qu’elle t’a fait dans tes ateliers supérieurs, elle ose se présenter ici ? j’espère que tu vas la foutre dehors… en toute fraternité, comme vous dîtes !
Marcel – Au contraire, je vais la recevoir très fraternellement, avec tous les honneurs dus à son grade. Et je te demande d’être aimable avec elle.
Françoise – je veux pas me mêler de vos salades, mais tout de même, après ce que tu m’as raconté sur elle…
Marcel – Justement. C’est ma revanche. Elle vient surement me demander une faveur. Elle va implorer, supplier, et moi je vais me régaler. La salope…
Françoise – Ah ! pour ça oui ! Vous avez des mots tendres en maçonnerie !
Marcel – Toi, disparais et va t’habiller un peu. Elle pourrait raconter que tu l’as reçue les fesses à l’air. Ça ferait jaser.
Françoise – Compris ! Et en passant je dis à ta… ton Orateur qu’elle te l’envoie ! C’est ça ? Amuse-toi bien avec ta… salope.
Scène 4
Arrivée de Nicole Frossard et Germain Dumoulin.
Marcel – (range ses documents sur la table du jardin)
Sophie – Entrez, Marcel va vous recevoir. (elle annonce) Nicole Frossard, et… Monsieur…
Germain – Germain Dumoulin.
Sophie – Monsieur Dumoulin.
Nicole – (elle entre et se précipite vers Marcel, la main tendue) Mon cher Marcel.
Marcel – Cher… Cher… Vraiment ? Alors on se fait la bise ?
Nicole – Bien entendu (ils se donnent l’accolade) ce n’est pas parce que je vous ai…que je t’ai… que je ne t’ai pas… pas aidé pour monter au 18ème qu’il faut t’imaginer…
Marcel – Hum ! hum ! (Désignant Dumoulin) Il pleut.
Nicole – Pas de soucis. Germain a été maçon, il en connait tous les arcanes.
Marcel – (vient serrer la main à Germain) – et pourquoi avoir quitté la maçonnerie ?
Germain – Oh !… Ça ne présentait pas d’intérêt pour mes affaires.
Marcel – Vos affaires ?
Nicole – Laissons !… Marcel, je connais ta loyauté.
Marcel – (ironique) Pour ma part, je n’ai jamais douté de la vôtre !
Nicole – Oh ! tu me taquines. Avant de te connaître véritablement, c’est vrai, je me suis permis quelques critiques, comment dirais-je… un peu brutales. Je le regrette. Crois le bien. Mais sois assuré que depuis…
Marcel – depuis mon élection à la présidence du Convent… naturellement, vous êtes moins brutale ; des fois que vous auriez besoin de moi !… Bien, n’en parlons plus. Je passe la truelle. Asseyez-vous et dîtes moi ce qui vous amène.
Nicole – (sans s’asseoir, le prenant à part) Mon cher Marcel, d’abord tu peux me tutoyer, pas de cérémonie entre nous. Tu t’imagines bien que ma présence à ton domicile, sans rendez-vous, relève d’une affaire tout à fait personnelle et… comment dirais-je ?… Particulièrement délicate. (Elle montre Sophie) ce serait bien que nous puissions ne pas être dérangés.
Marcel – Ah ! Permettez-moi de vous présenter Sophie, ma secrétaire. Vous pouvez… tu peux parler devant elle, j’en réponds.
Nicole – Nous préférerions, Germain et moi, que notre entretien se déroule… comment dirais-je… sans témoin.
Germain – Absolument !
Marcel – Sophie est de la maison. Elle est mon Orateur et c’est à elle, probablement, que je passerai le premier maillet. Autant que nos… affaires n’aient pas de secret pour elle. Elle prendra des notes pendant notre entretien.
Nicole – (après avoir consulté Germain) Dans ce cas…
Marcel – Bien ! Asseyez-vous donc ! Qu’est-ce qui vous amène ?
Nicole – Eh bien voilà, il s’agit du temple de la Violine. Notre ex-frère Germain possède le petit terrain qui le jouxte. Et comme il est question de nous agrandir…
Marcel – Oui bien sûr. Un deuxième temple serait utile… et ça pourrait résoudre les problèmes de parking…
Nicole – Justement, Germain a tout de suite compris l’opportunité que nous pourrions tirer de cette heureuse mitoyenneté.
Germain – Absolument !
Nicole – Il est donc venu m’en parler – Oh ! une vieille amitié entre nous- et nous avons élaboré ensemble un projet que je qualifierais volontiers d’original et de… comment dirais-je ?… Tout à fait magistral !
Germain – Absolument !
Nicole – Malheureusement, tu ne l’ignores pas…
Scène 5
Françoise – (elle entre en coup de vent et va droit à l’autre table). Dis, mon Loulou, tu ne sais pas où est passée la crème solaire, impossible d’y mettre la main dessus. Avec ce beau soleil j’aimerais bronzer !
Marcel – (Il se lève précipitamment et se place devant sa femme pour cacher sa semi nudité) Je t’ai dit d’aller t’habiller ! Tu as vu la touche que tu as ?! J’ai du monde !
Françoise : (Aux visiteurs) Oh, pardon ! C’est vrai ! Je n’y pensais plus !
Marcel : (Toujours en aparté) Dans cette tenue ! On dirait que tu le fais exprès !
Françoise : (S’avançant et lui serrant la main) Madame Frossard ! Ravie de faire votre connaissance ! Voilà longtemps que j’entends parler de vous (Nicole surprise) – oui, naturellement ! – mais je ne vous avais encore jamais vue autrement qu’en photo, sur les affiches et les programmes ! D’ailleurs, je vous préfère en chair et en os ! Vous faites plus vieille mais moins artificielle ! peut-être l’absence de cordon ! (À Germain) Bonjour, monsieur ! … Mais, je vous en prie, continuez votre discussion, ne vous occupez pas de moi, je cherche la crème solaire…
Marcel : Françoise, je t’en prie ! Laisse-nous travailler et va t’habiller correctement !
Françoise : Avec la chaleur qu’il fait ?! D’ailleurs, je vous admire, vous savez ! Je me demande comment vous faites, avec vos costumes, pour ne pas mourir. Moi, c’est bien simple, je suis en nage ! (S’adressant à Nicole) D’ailleurs, touchez mon dos, vous verrez ! Non, là, un peu plus bas… Vous sentez, je ruisselle !
Nicole : (charmée) En effet !
Marcel : En voilà assez ! Tu ne vois pas que tu importune tout le monde ?!
Françoise : Ben quoi ?! Vous n’avez pas chaud vous ? … Eh bien Loulou, mets tes visiteurs à l’aise… Enfin, si je dérange, alors ! …
Nicole : Mais pas du tout, voyons !
Françoise : Oh, si, si ! J’ai l’habitude, vous savez ! Mon mari me dit toujours que je n’ai pas d’éducation…
Nicole : Mais non, voyons ! Bien au contraire ! Vous avez votre franc-parler, une manière simple, directe, de vous exprimer. Une belle femme comme vous ! Qui avez la jambe fine, la peau luisante ! Je vous trouve… comment dirai-je ? Tout à fait charmante !
Françoise : (à son mari) Tu vois ! Je te l’ai toujours dit : tu ne sais pas la chance que tu as d’avoir une femme comme moi !
Nicole : Tu as une femme adorable, Marcel, et même, d’une certaine façon…comment dirai-je ?… Excitante !
Marcel : (Irrité) C’est avec elle ou avec moi que tu es venue parler d’affaire ? (À Françoise) Je te demande de nous laisser travailler maintenant et d’aller t’habiller !
Françoise : J’y vais, j’y vais ! Mais c’est toi qui m’as demandé d’être aimable !… Allez, au revoir madame Frossard, au plaisir ! (À Germain) Au revoir monsieur ! Travaillez bien ! Dites, Sophie, vous ne voulez pas venir m’aider à porter le parasol ? Sans crème, je vais choper un de ces coups de soleil ! J’ai la peau sensible !
Sophie : Excusez-moi Françoise, mais vous n’avez pas l’air de vous en douter : je travaille moi aussi !
Françoise : Ah, oui, d’accord ! Tout le monde joue à faire de la maçonnerie et moi, profane, je peux crever ! (Elle sort)
Scène 6
Marcel : (Après un temps) Je suis désolé ! J’ai une épouse si…déroutante, qu’elle me fait honte quelques fois ! Je vous prie de bien vouloir l’excuser !
Nicole : Laissez donc, mon cher Marcel ! Ce n’est rien !
Sophie : C’est vrai qu’il fait chaud ! Moi aussi, je transpire ! Tenez, regardez, ma robe est toute collée, là, aux épaules et sur ma poitrine ! Vous le voyez, n’est-ce pas ? (À Marcel) Touche pour t’en rendre compte !… Tu sens ?!
Marcel : En effet !
Sophie : Mais, vous aussi, ma pauvre Nicole, votre col est trempé ! Oh, je vous en prie ! Mettez-vous donc à l’aise ! Tenez, donnez-moi votre veste… !
Nicole : Volontiers !
Sophie : Monsieur Dumoulin, n’hésitez pas non plus, si vous le souhaitez !
Germain : Volontiers ! (Il attrape sa robe et touche à son tour).
Sophie : (Se retirant) Ah, mais non ! Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Je parlais de votre veston ; si vous voulez l’ôter !
Germain : Ah, oui ! Absolument ! (Il s’exécute)
Marcel : Bien ! Maintenant que chacun s’est mis à son aise, nous pourrions peut-être oublier l’incident pour en revenir au sujet de votre visite ?
Nicole : Vous avez raison ! De quoi parlions-nous, déjà ?
Sophie : S’il m’en souvient bien, notre sœur Nicole s’apprêtait à nous exposer une idée qu’il lui était venue à propos du temple de la Violine !
Marcel : Ah, oui !
Nicole : A la vérité, c’est Dumoulin, enfin, je veux dire notre ex-frère Germain qui en est le véritable …comment dirai-je ?… Instigateur.
Germain : Absolument !
Nicole : Tu n’ignores pas, mon cher Marcel, disais-je, qu’un tel projet doit être validé par le Convent.
Marcel : Et en quoi cela me concerne-t-il ?
Germain – Nicole m’a dit que vous alliez présider le prochain Convent. Nous pourrions donc compter naturellement sur votre heureuse influence…
Marcel – L’extension de la Violine ne me semble pas devoir soulever de problème…autre que celui de son financement. Et là, question finances, je ne serai d’aucun poids.
Germain – L’opération ne vous coûtera rien.
Marcel – Rien… Rien ? Comment ça rien ?
Sophie – Germain, vous voulez dire que vous nous céderiez votre terrain ?
Germain – On voit bien que vous êtes toute jeune en maçonnerie, chère demoiselle. Attendez qu’on vous explique !
Nicole – Donnez-nous le temps d’exposer le projet dans son entier. Voilà : Germain possède un autre terrain, vous voyez, ce champ situé entre la zone commerciale et la bretelle de l’autoroute.
Sophie – Dans le vent de la déchèterie… ?!
Germain – Il ne fait pas du vent tous les jours !
Nicole – Notre Frère Germain se fait fort d’obtenir que ce terrain devienne constructible. Il a le maire dans sa poche – oui, un vieux service à lui rendre – et puis, n’est-il pas des nôtres ? et ton épouse nous décrochera certainement l’appui du député Dubroc…
Germain – La voie communale est large à cet endroit ; plus de problème de parking !
Nicole – Eh bien, ce terrain, Germain nous l’offre ! (Un temps. Marcel et Sophie sont ébahis) En contrepartie… nous lui cédons la Violine.
Germain – J’y construirai un hôtel. Ce sera grandiose. Je l’appellerai (il fait un clin d’œil à Nicole) le Delta Sémillant !
Scène 7
Françoise – (Elle entre en portant un parasol) Saloperie de parasol ! Sophie, vous pouvez venir m’aider, s’il vous plait ? Il s’est encore coincé !
Marcel – Non, mais je rêve ?! Tu le fais exprès, ma parole ?!
Françoise – Ben, quoi ? Je veux me mettre à l’ombre et je n’arrive pas à ouvrir ce machin !
Germain – (amusé) Attendez, je vais vous aider ! Vous vous y prenez mal ! Donnez-le moi… Attention ! Écartez-vous un peu !… Et voilà !
Marcel – Merci Dumoulin… ! Oh, et puis je crois que je peux vous appeler Germain.
Germain – Absolument ! Quand on est maçon, on l’est pour la vie !
Françoise – Heureusement que je vous ai sous la main ! Si j’avais dû compter sur mon mari ou sur sa… !… Tenez, j’ai retrouvé la crème solaire ; vous ne voudriez pas m’en passer un peu dans le dos ? (Elle tend la crème à Germain mais c’est Nicole qui s’en saisit)
Nicole – Germain a des mains caleuses de maçon opératif !
Sophie – je pensais qu’il était plutôt du genre… à spéculer !
Françoise – Juste là, entre les omoplates, je n’y arrive pas ! C’est là où la peau est le plus fragile !
Marcel – Enfin ! Tu vois bien que tu embêtes Nicole avec ça ?!
Nicole : (amusée) Mais non, mais non ! Laisse donc, j’en ai pour deux secondes !
Françoise : (tandis qu’elle lui passe la crème) Vous savez, vous êtes une chic femme, vous, au moins ! Ah, j’ai une petite douleur, là, à la base du cou. ! Pourtant, si vous saviez ce qu’on raconte ! … Massez-moi légèrement, ça me soulagera… On vous traite partout de tous les noms d’oiseaux…
Marcel : Françoise !
Françoise : Tenez, si vous entendiez mon mari quand il parle de vous…
Marcel : Ce que tu dis n’intéresse personne !
Nicole : Mais si, mais si ! Au contraire, c’est très intéressant !
Germain : Absolument !
Marcel : Enfin, vous voyez bien que ma femme plaisante ! Tu ne vas tout de même pas croire que j’ai pu te manquer de respect ? …
Sophie : Naturellement !
Nicole : (ironique) Naturellement ! Enfin, pas plus qu’il ne m’est arrivé moi-même de t’en manquer… Vois-tu, Marcel, je crois que nous sommes faits pour nous entendre tous les deux et que nous n’aurons pas de mal à trouver…comment dirai-je ?… Un arrangement, dans la petite affaire qui nous préoccupe !
Marcel : Ne va tout de même pas trop vite en besogne !
Sophie : Je vous rappelle qu’à première vue, Monsieur le président du Convent n’a pris aucun engagement !
Germain : Bien sûr, bien sûr ! Cependant, n’est-ce pas, un certain rapprochement d’intérêt peut conduire parfois à une certaine connivence, voire même à… une certaine complicité !
Nicole : D’autant plus que nous n’avons pas même abordé la question des… des commissions !
Sophie – Des pot de vins… c’est ça ?
Germain – Comme vous y allez ! Pas de ça entre nous ! Et pour vous prouver ma bonne foi, je suis prêt à réintégrer la maçonnerie… si ça peut servir la cause.
Sophie – Ce serait le comble !
Nicole : (méchante) ma chère ? étant donné votre position, je pense que vous devriez commencer à envisager dès maintenant à… comment dirai-je ?… tempérer vos ambitions !
Françoise : (Qui s’est assise sur la chaise-longue pousse un cri terrible)
Aie !
(Elle se lève en se tenant la fesse)
Marcel : Ça ne va pas, non ?! Qu’est-ce qu’il te prend ?
Françoise : Ah la vache, que ça fait mal ! (Elle court dans tous les sens)
Marcel : Mais enfin, qu’est-ce que tu fabriques ?!
Françoise : Je me suis fait piquer par une bestiole !
Germain : C’est une guêpe, regardez, elle est encore sur la chaise !
Nicole : (riant) Cette pauvre Françoise ! En plein endroit sensible !
Marcel : Vous n’allez pas la plaindre, tout de même ?! Elle l’a bien cherché, non ?
Françoise : (elle court comme une folle et se tient la fesse) On voit bien que ce n’est pas toi. Pourvu que je ne sois pas allergique !…
Germain : Ah, c’est qu’il ne faut pas plaisanter avec ses choses-là !
Nicole : (très amusée) Il a raison ! D’ailleurs, regardez, on dirait que sa fesse commence à gonfler !
Françoise : (affolée) Sérieux ?!
Nicole : Oui ! Permettez ?… (Elle tâte) Si, si ! Et elle a tendance à virer au rouge !
Françoise : J’en étais sûr, je suis allergique ! S’il te plait, Loulou, suce-moi, vite !
Marcel : Quoi ?!
Françoise : Suce-moi, aspire le venin !
Marcel : Mais, ça ne va pas ?! tu es folle ?!
Françoise : Enfin, chérie, tu as bien sucé l’autre jour ta petite sœur Lilli !
Marcel : Mais ce n’est pas pareil ! D’abord elle, c’était le cou, pas le… pas la… !
Françoise : Et alors ?! Il parait que ma fesse est déjà toute enflée ! Ça me brûle !
Marcel : Ne sois pas ridicule !
Françoise : Tu ne veux pas ?! Oh, mon Dieu ! Sophie ! Sophie vite, sucez-moi, vous, s’il vous plait, j’ai mal !
Sophie : Arrêtez, voulez-vous ! Ce n’est qu’une piqure de guêpe !
Françoise : Quoi, vous aussi ?! Ah ! Je comprends, je peux crever, ça arrangerait bien vos petites affaires, n’est-ce pas ? … Oh, mon Dieu, mon Dieu ! Nicole !
Nicole – Oui ?!
Françoise : Puisque mon sort n’intéresse personne, pouvez-vous regarder si par hasard l’aiguillon n’est pas resté planté et aspirer le venin ?
Marcel : Tu perds la tête ?! Demander à Nicole ! N’importe quoi !
Françoise : Tu préfères que je meure ?! (À Nicole) S’il vous plait !
Nicole – C’est-à-dire… vous me gênez affreusement… Mettez-vous à ma place !
Françoise – Et vous, à la mienne ! Non-assistance à personne en danger, vous savez où ça peut mener ?!
Marcel – Non, mais vas-y, ne te gêne pas ! Demande au public, pendant que tu y es ! Peut-être y aura-t-il une âme charitable ?! Va mettre du vinaigre sur une compresse et arrête ton cirque !
Françoise : Mais oui, oui ! Tu as raison ! Et vous Sophie, pendant ce temps, allez chercher le nouvel infirmier qui s’est installé à côté. Dites-lui de venir, vite ! Que j’ai été piquée et que je fais une allergie !
Sophie : Si ça vous fait plaisir ! (Françoise sort) Bon, je vais appeler l’infirmier, sans quoi nous n’en finirons jamais… (Elle sort)
Scène 8
Marcel : Mes pauvres amis, vous devez vous demander où vous êtes tombé et ce qu’il vous arrive ?!
Nicole – Je suis désolé Marcel : je n’ai pas osé ! … Tu comprends, n’est-ce pas ? Devant vous… Puis, dans ma situation, enfin, c’eut été déplacé, pour ne pas dire…comment dirai-je ?… Équivoque !
Chok : (Il entre en compagnie de Ginette qui porte un appareil photo) Excusez-moi ! Vous êtes bien Marcel Chartier ?
Marcel – Heu ! Oui !
Chok – Nous venons de croiser une jeune femme qui courrait dans l’entrée ; elle nous a dit que nous vous trouverions sur la terrasse.
Marcel : Oui…C’est à quel sujet ?
Chok – François Chok, journaliste à l’Omnibus !
Marcel – L’Omnibus ?
Chok – Oui ! ça vaut l’Express… Et voici Ginette Brissac, mon assistante, photographe.
Marcel – Photographe ?!
Chok – Vous êtes bien le Vénérable de la Loge « Le Genre Humain », c’est bien vous qui présidez demain le Convent du GOMU, le Grand Orient Mixte Unifié ?
Marcel – Mais… comment savez-vous ça ?
Chok – Nous savons que, demain, vous devez prononcer un discours ambitieux au Convent du GOMU et nous aurions souhaité faire un article sur le sujet.
Marcel – (flatté) Ah, oui ! Certainement. Seulement, nous étions en train de régler une petite affaire avec mes amis. Permettez que je vous les présente : Germain Dumoulin, propriétaire, et madame Nicole Frossard.
Chok – Enchanté !
Ginette – Nicole Frossard…N’est-ce pas vous qui êtes intervenue à la dernière tenue blanche du GOMU dont nous avons fait écho dans nos colonnes ?
Nicole – (flattée) C’est exact !
Chok – Vous savez, depuis votre extériorisation, notre journal suit avec intérêt toute l’actualité maçonnique.
Marcel – Si vous voulez bien m’attendre un instant, j’en termine avec mes amis et je suis à vous !
Chok – Mais je vous en prie, faites. Nous attendrons sur la terrasse si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Marcel – Mais naturellement, vous êtes ici chez vous. (Tous les trois sortent)
Scène 9
Ginette – Dumoulin… c’est pas le propriétaire de cet hôtel qui a été mêlé au scandale des ballets roses ?
Chok – Germain Dumoulin… mais c’est bien sûr ! L’affaire Skraustane… avec le maire du patelin. Qu’est-ce qu’il fait chez les Franc-macs ?
Ginette – C’est chaud ! je te dis qu’on est sur un coup !
Koch – Alors fais des photos !
(Ginette se range à l’écart pour pouvoir bien cadrer ses photos)
Françoise : (Elle entre en tenant une énorme compresse sur sa fesse et ne voit pas Ginette) Ah ! Voilà l’infirmier ! Vous avez fait vite !
Chok – Madame ?!
Françoise – Sophie a du vous le dire, j’ai été piquée par une guêpe et j’ai peur d’être allergique ! Tenez, regardez ! (Elle montre ses fesses)
Chok : (Ahuri) Vous avez une de ces façons de vous présenter, vous !
Françoise – Françoise Chartier, suppléante du député Dubroc, mais je vous en prie, dépêchez-vous ! Regardez si l’aiguillon n’est pas resté planté !
Koch – Que je regarde si …
Françoise – Oui ! Mais rapprochez-vous, nom d’un chien, comment voulez-vous voir, d’aussi loin ?
Chok – Ah ! Très bien, très bien !
Françoise – Alors, vous voyez quelque chose ?
Chok – Où ça ?!
Françoise : Là ! (Elle lui colle sa fesse devant la figure) Vous ne voyez toujours rien ?
Chok – Ah, si ! Là ! (Il montre avec son doigt) Ça fait un petit point rouge avec une auréole blanche.
Françoise – Eh bien, c’est là où j’ai été piquée ! C’est terrible ! Le dard doit-être sûrement resté ?!
Chok : Oui, en effet, je l’aperçois ! Attendez, je crois qu’avec les ongles…
Ginette – (qui prend des photos, à part) Madame la député suppléante… ça va faire un de ces scoops !
Chok – Oui, ça y est, le voilà !
Françoise – Parfait ! Maintenant, vite, aspirez le venin ! vous n’avez pas apporté de seringue ? Alors sucez-moi !
Koch – Que je… ?!
Françoise – Mais naturellement !
Chok – C’est-à-dire que… Je veux bien essayer, mais ce n’est pas commode !
Françoise : Comment voulez-vous que je me positionne ?
Ginette – (toujours cachée de la vue de Françoise) De mieux en mieux ! Demain, on double le tirage !
Scène 10
Marcel – (Il entre derrière Nicole et Germain qui demeurent tous deux pétrifiés devant le tableau) Mes amis restent pour l’interview. Après tout, ils sont maçons… (Il aperçoit Françoise) Nom de D.… !
Françoise : Ne nous dérangez pas ! Vous n’avez pas voulu sucer, alors !
Marcel : Françoise ! Non ! Pas devant les journalistes ! (Il se précipite sur elle et la redresse)
Françoise – Des journalistes ?!
Chok – De l’Omnibus, oui !
Marcel – (furieux) Et celle-ci qui prend des photos !
Françoise – Vous n’êtes pas l’infirmier ?
Chok – Non Madame la suppléante. Mais regardez, (à Dumoulin qui s’est rapproché pour admirer les fesses de Françoise) M. Dumoulin ! penchez-vous ! le dard n’y est plus !
(Dumoulin se penche sur les fesses de Françoise)
Nicole – (voyant la fesse rougie de Françoise) Mais c’est affreux, il faut sucer voyons ! Il faut sucer ! (Elle se penche à son tour sur la fesse)
Sophie : (Elle entre en courant) Voilà, vous en avez de la chance Françoise, l’infirmière arrive, tout va s’arranger !
Ginette – Attention ! Souriez ! (Tout le monde se fige) Et hop, voilà, c’est dans la boite ! (Au public) N’oubliez pas, mesdames et messieurs, demain, édition spéciale : « Fesse que doit, advienne que pourra ! »
FIN