Chez nous

harangue au Public profane par un duo de présentateurs

ELLE – On nous dit qu’il y aurait des profanes qui se seraient glissés dans la salle… Ils peuvent rester !
LUI – Chers amis, vous qui n’en êtes pas… de notre maison, j’entends !
Vous, donc, qui n’en êtes pas, ou pas encore…
ELLE – vous que nous appelons nos « profanes », qu’attendez-vous pour nous rejoindre ?
LUI – Chez nous, vous serez chez vous.
Monsieur ! chez vous, vous n’avez pas droit à la parole ?… Eh bien chez nous vous pourrez la prendre, enfin, la parole ! la prendre et la reprendre, la garder, en abuser même jusqu’à épuiser ceux qui ne pourront même pas vous l’ôter !
ELLE – En revanche, vous devrez écouter les autres ; c’est parfois soporifique mais avec un peu d’entraînement, vous pourrez donner à votre somnolence cet air intelligent qui s’affine avec l’âge et qui vous donne l’air d’un vieux sage.
LUI – Travailleurs, Travailleuse ! on vous prend pour un larbin, pour une boniche dans votre entreprise ? Vos chefs vous font souffrir ?… Chez nous vous serez maître. Pour vous affirmer, vous aurez un maillet, vous deviendrez un petit chef ! Et vous pourrez, à votre tour, faire souffrir les autres…
ELLE – Au bistrot, au restaurant, à la cantine, vous subissez l’arrogance des garçons de café et des serveurs ?… Chez nous, aux agapes, dans notre salle humide, vous pourrez râler contre le service, fulminer contre le Frère Servant et rappeler cent fois la Sœur Servante…
LUI – Vous n’êtes qu’un modeste employé, vous avez le sentiment d’avoir raté votre carrière ?
ELLE – On ne vous prend pas au sérieux ?…
LUI – Vous ne serez jamais chef, jamais directeur ou directrice, jamais Président, présidente, jamais Général ?…
ELLE – Chez nous, en quelques années -si vous êtes dociles et obéissants- vous obtiendrez tous les grades !
LUI – J’ignore vos fantasmes messieurs… mais tous les soirs à minuit, vous pourrez caresser le désir sensuel de lever le voile sur le tronc d’une Veuve…
ELLE – J’ignore vos fantasmes mesdames, mais imaginez-vous, dans le secret d’une urne, vous saisir des boules qui vous seront présentées… ?
LUI – Quoi ! C’est pas merveilleux chez nous ?
ELLE – Alors qu’attendez-vous pour frapper à la porte ?
ELLE et LUI – Frappez, et l’on vous ouvrira !
LUI – Et puis… plus on est de fous…
ELLE – Plus on rit, n’est-ce pas ?