Les Funambules -2

LES FUNAMBULES version sketch

3 personnages : Le Récitant; Boquin (se tient en tête de la colonne du Midi); Jakas (est en bout de la colonne du Nord, à l’opposé.)

Le RÉCITANT : Ce soir, pour la premiére fois dans le Grand cirque d’Hilarion, deux funambules, Jakaz et Boquin, (ils se lèvent, se mettent à l’ordre) l’un aux frimas du Nord, l’autre dans la luminescence du Sud, vont exécuter un tableau emblématique et métaphorique…
(en silence Jakas et Boquin tendent le fil rouge de la conversation et reprennent leur place)
Certains sont sur la corde raide, font de la corde à nœuds ou jouent de la corde à piano. D’autres pratiquent le fil à plomb, avancent de fil en aiguille, au fil de l’eau, sur le fil du rasoir… Eux vont relever le défi de dérouler, mot après mot, de caribe en syllabe, le fil de leur conversation.
Au Sud Maître Boquin… (Boquin met son bonnet de M. Loyal, à l’ordre des funambules).
Au Nord, Jakas, son fidéle apprenti. (Jakas met discrétement son nez rouge, à l’ordre des funambules)
Boquin et Jakas prennent place à chaque extrémité du fil et se saluent en funambule.
Jakas tend le bras droit à l’horizontal.
Boquin lui répond en tendant les 2 bras.
Jakas s’appête à avancer…
Boquin – (interrompant son avancée) Jakas ! Avant d’entamer la conversation, d’abord pese bien tes mots !
Jakas s’apprête à faire un pas en levant le pied droit
Jamais un mot plus haut que l’autre !
Jakas esquisse un pas de côté comme pour retrouver l’équilibre
Evite les mots de travers, proscris les jeux de mots qui distraient et détournent la conversation… Sinon c’est le vide … le trou noir… le trou de mémoire…
(tous les deux sont en difficulté sur le fil, ils vacillent ; le RÉCITANT les observe)
RÉCITANT – Ils cherchent leurs mots… ils bafouillent … ils perdent pied…ils s’enfoncent…
Jakaz(désespéré) Seul ! personne pour vous donner les mots !… la tuile, quoi !
Boquin – (stupéfait d’entendre parler son apprenti) Silence l’apprenti ! Silence Radio ! Ici radio Zilarion, les Bouffons parlent aux Bouffons– ça jacte au Nord, les carottes sont cuites je répète : ça jacte au Nord, les carottes sont cuites.
Jakaz – Ah ! Maître Bokin, tout part à Vélo, à volo… en moto
Boquin – (excédé par Jakas qui reprend la parole) Silence Jakas ! ou je vais en toucher deux mots à ton Surveillant… M’enfin ! l’apprenti ne dit mot !
Jakaz – Dymo… ça pince !
Boquin – Quel cirque – quel cirque tu me fais là Jakas !
Jakaz – Le cirque ? Ah ! le cirque écossais…Si t’as pas les mots, tu passes pas.
Boquin – A moins d’être ancien… et accepté. Sinon, dégage ! Va te faire voir au français !
Jakas – Ah ! le cirque français… le moderne. Vivat ! Vivat ! Semper Vivat ! la Marseillaise ailée et volant dans les balles, les obus, les bombes et les symboles…
Boquin- Et ton rire, Ô Bauer !…
RÉCITANT(s’exclame) Allons ! Allons ! vous perdez le fil… Quels maux vous guettent ? Revenez sur vos mots, enfin !…
Jakaz (réflexion) – Faute de mots, on peut toujours avancer des idées… à mots feutrés, à demi mots, à mots couverts – Mais ne jamais prendre les mots pour des idées !
Boquin- Hé, hé ! Là, tu passes la quatrième. Reste en première ! Evitons les mots de maitres. secret !
Jakaz(réflexion) les mots secrets, le secret des mots… l’émolument.
Boquin – le mot lu est comme le mot nu. Le mot nu…ment !
RÉCITANT – Assez joué sur les mots ! Un peu de simplicité, mes Frères ! à faire des mots d’auteur, vous allez un jour tomber de haut… Et ce sera votre dernier mot.
Jakaz – Le dernier coup de fil, quoi ! (imiter le son d’une ligne téléphonique coupée). (un temps : 3sec.)
RÉCITANT(grave) Et maintenant, Bouffonnes et Bouffons d’Hilarion, voici l’exercice le plus périlleux : le passage si contreversé sur la grille des mots croisés.
(roulement de tambour, les deux se saluent, silence 3 à 5 sec.).
Un, vertical : passage à l’équerre (ils mettent la jambe en équerre au-dessus du pavé mosaïque).
Deux, horizontal : passage à niveau. (ils allogent la jambe).
Trois : l’aplomb sur le fil (Ils posent tous les deux leurs pieds en équerre sur le pavé mosaïque.)
À ce moment grondement, coups de tonnerre.
Attention à ne pas fouler le pavé mosaïque. Prudence ! Ne jamais posez le pied dans l’inconnu, dans l’au-delà, dans l’infini… Sinon c’est la fin !
Boquin –Eh bien moi je l’ai connu, le mot de la fin, suspendu à un fil, plusieurs jours sans manger. Quelle faim !
Jakaz – Et bien-sûr, tu n’as pas pu mâcher tes mots !
Boquin – Je ne me suis pas mis à table ! Je n’ai rien dit ! Les spectateurs furieux, m’ont sifflé et lancé des vilains mots, des gros mots, des mots gras… le mot de Cambronne !
Jakaz – C’est sur ce mot que tu as failli glisser ?
Boquin- Et ne parlons pas de l’odeur… Qui ne dit mot con-sent !… Peu à peu, mot aprés mot, je suis revenu sur mes propos.
Jakaz(soupirant) Et le public est parti sans payer. Mau-dit soi-il !
Boquin- Mais, je me suis payé de mots.
Jakaz et Boquin – Nous avons mots – dits…

(ils se mettent à l’ordre de funambule, regagnent leur place, ôtent, l’un son chapeu, l’autre son nez rouge, et reprennent leur place)