Blasphème de Clovis Hugues – Allocution du 14 septembre 1996

Le Blasphème de Clovis

Chronique d'un blasphème - Biographie du Frère Clovis - L'allocution - Revue de Presse - La chanson -

Palais des Congrès d’Aix en Provence

Citoyens,
Citoyennes,
C.l.o.v.i.s., 
le comité C.l.o.v.i.s. vous dit chapeau !
Chapeau pour cette commémoration inoubliable du Blasphème de Clovis Hugues, à laquelle nous manquent quelques amis qui nous ont encouragés, et qui sont excusés :
Madame Edmonde Charles-Roux, Messieurs Yvan Audouart, Raymond Jean, Michel Charras.

Chapeau pour ce pied de nez sacrilège aux cérémonies officielles du baptême de Clovis !
Chapeau pour avoir jeté le roi des Francs… pour avoir jeté l’effroi dans les rangs de l’ordre moral !
Ce blasphème de Clovis Hugues, c’est le blasphème permanent des esprits libres et critiques, c’est NOTRE blasphème !
Ce blasphème, comme nous l’écrivait récemment le pape, je veux parler du pape de l’humour et de la dérision : Yvan Audouart, ce blasphème de Clovis Hugues fait partie désormais du patrimoine national eu même titre que le baptême de Clovis.

Mais au fait, quel est le blasphème de Clovis Hugues ?
Clovis Hugues, élève du petit séminaire de Carpentras, blasphème lorsqu’il soutient Garibaldi défait par les troupes impériales accourues au secours de la papauté.
Engagé dans la Commune de Marseille, il blasphème dans sa lettre à Marianne en traitant les républicains frileux et indécis de “déserteurs de la République”…
Emprisonné, il blasphème encore contre l’ordre moral versaillais. Il écrit :

«Ils ont adossé des enfants
Contre les murs où l’on fusille;
Et les voilà tout triomphants
De sauver l’ordre et la famille…»

Sorti de prison, il blasphème à nouveau en décidant de se marier sans passer par l’église !
Élu député de Marseille, c’est au parlement qu’il blasphème en fustigeant le pouvoir insolent des bourgeois et des nantis.
Il sera même exclu temporairement de la chambre pour s’en être pris à Jules ferry en ces termes :

«Et quand nous dénoncions les banquiers lourds de graisse,
Les financiers de grand chemin,
Qui ne prenaient pas même, avant d’emplir leur caisse
Le temps de se laver les mains;
Quand le coeur nous sautait brusquement à la gorge
Quand nous disions : ”Châtiez-les !”
Monsieur Ferry, soufflant comme un soufflet de forge
Applaudi par tous ses valets,
S’écriait sur le ton d’un pédant qui professe :
“Vous êtes de gens de parti !”»

Député de Montmartre, il continue de blasphémer en pratiquant des baptêmes républicains, comme ceci :

«Puisque s’il revenait sur terre
Le Christ ne serait plus chrétien
Au nom de la nature austère,
Je te baptise citoyen.»

Toujours à Montmartre, avec la complicité des plus grands pamphlétaires du moment : Aristide Bruant, Jean Richepin, Erik Satie, Charles Cros, Alphonse Allais, André Gill et les autres, il blasphème au fameux cabaret Le Chat Noir, il blasphème comme nous blasphémons tous ensemble aujourd’hui avec la complicité de Charlie-Hebdo, du Provençal (un grosse bise à Colette Auger), de La Marseillaise, du Canard Enchaîné, et surtout de Richard Martin et des comédiens du Théâtre Toursky pour lesquels je réclame une ovation méritée !

Vient enfin le plus grand des blasphèmes de Clovis Hugues : mai 96, lors du fameux banquet d’union de Saint-Mandé, qui réunit Jean Jaurès, Émile Combes, Zéphirin Camélinat, Élisée Reclus, Jules Guesde, Marcel Sembat, René Viviani, Édouard Vaillant et d’autres grandes figures de la Gauche, à la demande de Jaurès Clovis Hugues déclame “Le droit au bonheur”, poème qu’il a écrit 20 ans auparavant dans les prisons de M. Thiers, je vous en lis les derniers vers :

«Nous voulons aimer, chanter, vivre,
Vider les coupes de l’espoir,
Apprendre à lire dans le livre
De la Science et du Devoir ;
Et nous voulons, si nos épouses
Ont rêvé de rendre jalouses
Les étoiles du firmament,
Que, dans le reflet des dentelles,
S’illuminent aussi pour elles
Des couronnes de diamants !»

Puis le poète, cédant la place au tribun, rappelant la commémoration à Reims du 1400ème anniversaire du baptême de Clovis et de la France, propose d’organiser de grands feux de joie pour y brûler les éteignoirs, objets symboliques de l’obscurantisme.
C’est ce blasphème, l’autodafé des éteignoirs, dont nous célébrons ce soir le centième anniversaire.

Canular ? Mystification de l’Histoire ?
Cette mystification serait-elle plus grossière que celle du baptême de Clovis et de la naissance de la France, “Fille aînée de l’Église” ?

Notre invité d’honneur Jean-Claude Izzo, écrivain et auteur d’une biographie célèbre de Clovis Hugues, “Un Rouge du Midi”, pourra, (s’il le souhaite), répondre tout à l’heure à vos interrogations sur notre Félibre rouge.
N’est-ce pas Jean-Claude Izzo qui met en exergue de son dernier roman Total Kheops cette citation : “Il n’y a pas de vérité, il n’y a que des histoires.”

Mais ne manquez pas de lire la chronique biographique époustouflante du blasphème de Clovis Hugues éditée par notre comité C.l.o.v.i.s. que nous vous proposons en échange d’une modeste participation de 30 francs destinée à nous aider à couvrir les frais d’organisation de cet événement, qui fera date.
En effet, faisons le voeu que dans 100 ans, nos petits enfants, si hélas! c’est encore nécessaire, commémorent comme il convient le deuxième centenaire du Blasphème de Clovis Hugues.

Pour une république laïque, fraternelle et souriante !
Les amis !
Nous avons évoqué l’engagement de Clovis Hugues dans la Commune de Marseille…
Dans un instant, sur la place du Palais des Congrès, nous allons vous servir l’apéritif républicain, non pas du Kir Royal, mais du “Communard”.
En hommage à la Commune, symbole des espérances populaires, et pour finir comme il se doit, en chanson, écoutons, avant de nous séparer nos amis Jean et Grégory, de l’Opéra des Rats du Théâtre Toursky, nous chanter, de J-B Clément, “Le Temps des Cerises”…