Hiram ou Hiram Abi ?
3 personnages: Hiram, Reporter 1, Reporter 2.
Interview absurde d’Hiram que deux journalistes reporters reçoivent à l’Orient éternel, où il vient d’arriver.
REPORTER 1 – (interpelant Hiram) Monsieur Hiram… s’il vous plaît ! (S’approche de lui avec un micro) vous venez juste d’arriver, à peine rassemblés les morceaux… c’est pour une interview…
HIRAM- interviou… c’est quoi ça ?
REPORTER 2 – vous ne pouvez pas savoir… ce n’est pas de votre ère.
HIRAM – Mon air ? Pourquoi ? de quoi ai-je l’air ?
REPORTER 2 – rien… on parlait de l’ère, l’ère du temps, du temps présent, l’ère vulgaire, quoi ! Vous savez, nous avons suivi vos travaux, de là, d’en haut. Tous les ouvriers du bâtiment vous trouvent admirable. Vous êtes un exemple, de ces hommes dont on fait les mythes !
REPORTER 1 – Où êtes-vous né ?
HIRAM – Tyr !
REPORTER 2 – (fait semblant de tirer) Pan ! Je rigole… c’est de l’humour. C’est de l’arme à feu… vous ne pouvez pas savoir.
REPORTER 1 – En quelle année avez-vous accédé à la maîtrise ?
HIRAM – en 40… 2040 !
REPORTER 2 – 2040… ça fait… moins 960 de notre ère.
HIRAM – notre air ?
REPORTER 2 – oui, l’ère vulgaire.
HIRAM – Mais enfin ! J’ai l’air vulgaire ?
REPORTER 1 – Non ! C’est l’autre !
HIRAM – Quel autre ?
REPORTER 2 – Jésus. Vous ne pouvez pas savoir. Il n’était pas encore né dans votre ère…
REPORTER 1 – Dîtes-nous. De tous les maçons que vous avez connus, lequel vous parait le plus remarquable ?
HIRAM – (il réfléchit) Imhotep.
REPORTER 2 – l’Egyptien ? Mais vous n’avez pas pu connaître Imhotep à votre âge.
HIRAM – Mais si !
REPORTER 2 – Messie ? Donc vous le connaissez, l’autre !
HIRAM – Mais non !
REPORTER 1 – Bon ! Imhotep, dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré ?
HIRAM – voici, je me trouvais par hasard à ses funérailles à Memphis, et il me pria de faire un peu moins de bruit…
REPORTER 1 – mais si vous étiez à ses funérailles, c’est qu’il était mort ; que lui importait que vous fassiez ou non du bruit ?
HIRAM – je n’en sais rien. Ils sont tous un peu bizarre de ce côté des pyramides. Voyez leur écriture… je n’ai jamais su ni la lire ni l’écrire, je l’épèle à peine.
REPORTER 1 – Imhotep ! Était-il donc mort ou vivant ?
HIRAM – Ce n’était pas mon affaire. Ce n’est pas moi qu’on enterrait et je n’entends rien aux rites égyptiens…
REPORTER 1 – (à part) Je vois que nous n’en sortirons pas.
Vous avez été marié ?
HIRAM – On le dit.
REPORTER 2 – vous ne savez donc pas si vous avez été marié ou non ?
HIRAM – Ah…. Voyez avec Anderson, de Nerval et les autres. C’est eux qui ont tout écrit sur moi.
REPORTER 1 – Vous avez des frères, des sœurs ?
HIRAM – Eh ! Je… je crois que oui.
REPORTER 2 – Vous croyez… Vous croyez ! Vous n’en êtes pas sûr ? Décidément, vous doutez de tout !
HIRAM – le doute, c’est ma Règle. Mais de quels frères et quelles sœurs parlez-vous ?
REPORTER 1 – Regardez ce portrait (il lui montre une photo sur son portable). N’est-ce pas votre frère ?
HIRAM – Ah oui, oui, vous m’en faites souvenir. C’était mon frère Abi. Hiram-Abi comme nous l’appelions. Pauvre vieil Abi… il aurait fait un bon moine.
REPORTER 2 – Il est mort ?
HIRAM – On n’a jamais su. Il y a un grand mystère là-dessous.
REPORTER 1 – Votre frère, est-il donc mort ou vivant ?
REPORTER 2 – Il aurait disparu ?
HIRAM – Oui d’une certaine façon… Tous ont pensé qu’il était mort, alors ils l’ont enterré, et puis…
REPORTER 2 – Et puis il est ressuscité ?… C’est ça ? Comme l’autre ?
HIRAM – Quel autre ?
REPORTER 2 – L’autre… dans les années 30 de son ère.
HIRAM – Ah oui ! L’autre… Celui qui a l’air vulgaire ?
REPORTER 1 – Mais revenons à votre frère Abi.
HIRAM – C’est un mystère, je vous dis.
REPORTER 1 – Ils l’ont enterré. C’est donc qu’il est mort ?
HIRAM – C’est là, justement, le mystère. Il faut vous dire que nous étions jumeaux, mon frère et moi. Et un jour, ma mère nous a mêlés dans la baignoire alors que nous n’avions que deux semaines. Et l’un de nous s’est noyé. Mais on n’a jamais su si c’était lui ou si c’était moi.
(Silence perplexe des 2 reporters) Je vais vous confier un secret. Jurez-moi de le garder ce secret.
REPORTER 2 – Sinon nous aurons la gorge tranchée… c’est ça ? (Ils font le signe)
REPORTER 1 & 2 – on sait… !
HIRAM – (surpris par la remarque) vous… vous en êtes ? (Il réfléchit) si je vous le dis, mon secret, mon mythe risque d’en prendre un coup… (nouvelle réflexion) Non ! Je le garde pour moi !
REPORTER 1 – De toutes façons, vous savez, pour le connaître, il nous suffit de consulter Google…
HIRAM – Google… le grand prêtre de Babylone ?… (Rire narquois) Inutile ! Il ignore tout !
REPORTER 2 – non ! Google… vous ne pouvez pas savoir… Alors, ce secret ?
REPORTER 1 – On vous jure que les autres n’en sauront rien…
HIRAM – Les autres ? Quels autres encore ?
REPORTER 1 – Ligou, Bayard, Bérézniak, Mainguy ! Ils n’en sauront rien. Promis !
REPORTER 2 – juré !
HIRAM – (après un instant d’hésitation) Bon ! Voilà : mon jumeau et moi, l’un de nous avait une marque, une tache de vin, fort apparente, sur le dos de la main gauche : Moi !
(Il remonte lentement sa manche et montre sa main exempte de tache)
REPORTER 1 – Mais vous n’avez rien !
HIRAM – Justement ! le jumeau à la tache de vin, celui qui a été noyé et qu’on a enterré… c’était moi.
REPORTER 1 – Si c’était toi, tu n’es donc pas toi !
REPORTER 2 – Si t’es pas toi, t’es donc ton frère.
REPORTER 1 & 2 – Alors… Hiram, Hiram Abi…
HIRAM – Chut… Vous avez juré de garder le secret ! (il brandit un coutelas )
REPORTER 1 & 2 effrayés se protègent la gorge et s’écartent.
HIRAM – (il rit)
(Au public 🙂 On leur ferait avaler n’importe quelle légende à ces jeunes… vous parlez d’une ère ! …
Une ère très vulgaire en effet ! (Il sort)