A la manière d’Alphonse Allais
3 personnages dont une S
1 et 2 entrent en scène
Frère 1 – Il faut que je te raconte…
Sœur -(s’interposant) Tiens ! une lettre pour toi.
Frère 1 – (il l’ouvre) Une lettre de ma femme ? Je l’ai vue ce matin, et elle m’écrit ! elle exagère !
Frère 2 – Bon, qu’est-ce que tu veux me raconter ?
Frère 1 – une aventure… Enfin, non ! je n’ai jamais d’aventures ! juste une histoire. Non, ce n’est pas une histoire car il ne m’arrive jamais d’histoire ! Une chose… une chose qui m’est arrivée pas plus tard qu’hier soir en loge.
Sœur – tu étais en tenue hier soir ?
Frère 1- Oui, et joyeux ; disons plutôt… content.
Frère 2- c’est vrai que tu n’es pas de ces frères joyeux qui rient de tout, sans savoir pourquoi…
Sœur – ni non plus de ces frères tristes qui pleurent sur tout… sans savoir pourquoi.
Frère 2 – On peut dire que tu es un maçon sérieux, quoi !…
Frère 1 -Non, pas sérieux ; disons que je suis raisonnable.
Et je ne suis pas un vieux maçon…
Sœur – Mais pas un apprenti non plus !
Frère 2 – Tu les entends, les apprentis ? Oh ! la lumière !
Sœur – Oh ! la pierre !
Frère 1 – N’exagérons rien ! Je ne suis pas non plus comme ces vieux maçons qui se moquent de ceci, qui se moquent de cela, blasés, et qui disent…
Frère 2- Bof ! la lumière !
Sœur – Bof ! la pierre !
Frère 2- Après tout, la lumière, ce n’est que la fin de la nuit…
Sœur – ou le début du jour.
Frère 1- Quant à la pierre, ça a de la valeur, mais n’exagérons rien !
Sœur – En tous cas, ça ne perd pas sa valeur, la pierre.
Frère – Allons ! cessons nos spéculations sur la pierre. Je reviens à ma chose. Il faut donc vous dire que je m’étais offert un tablier à fermeture éclair.
Frère 2 -électrique ?
Sœur – automatique ?
Frère 1- Oh. Ce n’est pas que j’aie un goût particulier pour les inventions délirantes…
Frère 2 – on sait. Tu es un maçon raisonnable.
Frère 1- Mais j’avais trouvé ce tablier prodigieusement… disons plutôt, très convenable.
Sœur – C’est pour ça que tu étais content…
Frère 1-Faut dire que l’ambiance était folle… euh… disons plutôt une bonne ambiance, quoi ! A l’ordre du jour : une question symbolique.
Frère 2 – alors tu t’es dit : je vais prendre la parole !
Frère 1 -Oh ! ce n’est pas que je sois accroc au symbolisme…
Sœur – Le symbolisme, tu sais, tu as d’un côté des FF ou des SS qui te disent : le symbolisme c’est comme ça ; faut comprendre ceci, faut comprendre cela…
Frère 2 – Et d’un autre côté tu en as d’autres qui te disent : le symbolisme c’est pas comme ça, faut pas y voir ceci, faut pas y voir cela.
Frère 1- eh bien non ! Pour moi le symbolisme, c’est simple : il faut savoir !… Je demande donc la parole.
Sœur – on te l’accorde !
Frère 1- Je sors de ma poche mes notes…
Frère 2 – qu’est-ce que tu fais là !?
Frère 1- L’atmosphère devient explosive…
Frère 2 – Explosive ? N’exagère pas !
Frère 1- Disons que les colonnes se chargent d’électricité.
Sœur – alors tu ranges tes notes, c’est ça ?
Frère 1 – Oh ! vous savez, que je les lise ou que je ne les lise pas… mes notes… Soudain, sous l’effet des décharges électriques, mon tablier à fermeture éclair électrique, automatique, se dégrafe. Il me tombe sur les genoux. Je le remonte comme ça sur le ventre.
Frère 2 – pas beau ce geste !
Sœur – Mais pas laid non plus !… Parce qu’on se fait encore des idées sur le port du tablier !
Frère 2 – D’accord, mais sur le ventre, ça ne fait pas très illustre.
Frère 1 – Mais ça protège !
Sœur – pour ce que ça protège…
Frère 1 – donc je commence à parler, mes notes froissées sur le ventre… à cause du tablier… Quand j’aperçois sur la colonne opposée, une Sœur. Elle portait son tablier comme ça (geste)
Frère 2- Elle était jolie ?
Frère 1- n’exagérons rien, elle était… non, elle n’était pas… enfin vous me comprenez ; je ne suis pas comme ces FF qui vous disent (ton dédaigneux) : les Sœurs… les Sœurs…
Sœur – Mais qui en ont la pleine bouche.
Frère 1 – Ni non plus comme ceux qui disent (sur un ton enthousiaste) : les Sœurs… les Sœurs… Non, je dis simplement : les Sœurs !
Frère 2 – alors, cette sœur ?
Frère 1 – Je la trouvais bien, quoi !
Sœur – tu veux dire que tu en étais déjà amoureux ?
Frère 1- N’exagérons rien. Mais je ne suis pas de ces FF qui disent ( ton dédaigneux) : Oh ! l’amour… l’amour… !
Sœur – Et puis qui vont retrouver les SS en salle humide ! (Elle rit)
Frère 2- Tu tenais donc tes notes et ton tablier d’une main, et de l’autre tu regardais la Sœur…
Sœur – C’est pas sérieux, ça !
Frère – Et pas très maçonnique.
Frère 1- N’exagérons rien ! je ne suis pas de ces FF qui disent : la maçonnerie c’est un sacerdoce.
Sœur – En tous cas, c’est comme la jalousie, faut pas en faire une maladie… (silence)
Frère 1 – Pourquoi tu me parles de jalousie ? Tu connais Oscar ?
Frère 2 – C’est un frère très bien Oscar.
Frère 1-Très bien… enfin, un frère comme les autres, n’exagérons rien. 10 ans que je le connais… que je croyais le connaître…
Sœur – tu ne le connais donc pas véritablement…
Frère 1-Mais ma femme oui, elle le connait très bien Oscar. Vous allez rire…
Frère 2- Tu veux dire que… ta femme… et Oscar…
Sœur – Oh ! toutes les histoires qu’on peut raconter…
Frère 1- n’exagérons rien ! il faut vous dire que ma femme exagère tout. Depuis toutes ces années que je suis maçon, je ne peux plus sortir avec mes frangins sans qu’elle en fasse une crise de jalousie. Est-ce que je suis jaloux, moi ?
Frère 2- Oh ! ne discutons pas de ça. Ça nous mènerait trop loin. Tu disais donc tenir tes notes et ton tablier de la main gauche…
Frère 1- Oui. Quand un coup de maillet violent du Véné me fait sursauter. J’en lâche mon papier… que je rattrape de la main droite… mais j’en perds mon tablier !
Sœur – Et les colonnes éclatent de rire !
Frère 1-N’exagérons rien… Pas de rires ! juste un petit sourire sur les lèvres de la sœur d’en face. Je veux me reprendre. Je perds le fil de mon intervention. Le Véné me crie : Oh ! la la !
Frère 2 – Bon ! tu l’as retrouvé ton tablier ?
Frère 1-J’ai retrouvé mon tablier, mais je n’ai pas retrouvé ma sœur.
Sœur – A propos, qu’est-ce qu’elle voulait donc te dire ta femme ? Encore des exagérations, je paris !
Frère 1- (défroisse la lettre et lit) « La vie est impossible avec toi… je pars avec Oscar… » (stupeur + silence)
Frère 2 – et tu restes calme…
Frère 1 – Y’a des frangins dans mon cas qui pousseraient des cris de douleur : Ma femme… ma femme se barre avec Oscar… Moi, je reste calme. Je vais la retrouver ma femme. Je lui parlerai avec raison, sans exagération…
Frère 2-Tu sais, les femmes… c’est comme les frangins, comme les cordons, comme les coups de maillet des Surveillants, comme le pavé mosaïque et la voûte étoilée, comme le cosmos tout entier…
Sœur – Oui, c’est très exagéré.
Frère 2 – Tu l’as retrouvé ton tablier.
Sœur – Alors, tu la retrouveras ta femme.
Frère 1-Je lui parlerai.
Sœur – C’est bien. Tu restes un maçon raisonnable.
(Il sort à pas comptés)