Impressions d’initiation

IMPRESSIONS D’INITIATION DE MADAME MARCELLE DE GUINGOIS
Joué lors du 1er Festival- 2011

V.M. L’ordre du jour appelle aujourd’hui les impressions d’initiation de Madame Marcelle de Guingois. S. M.C. Veuillez aller chercher Madame Marcelle de Guingois et la conduire au plateau de l’Oratrice.

La V.M. a la gratouille, se gratte le dos avec le maillet.

M. (se lève) Oh… faut pas que j’oublie mes lunettes ! (Elle fouille dans son sac nerveusement, les trouve, repose le sac sur les genoux de son voisin ou voisine).
Gardez-le bien surtout… on sait jamais ! (Elle avance; elle a relevé sa robe d’un côté pour bien montrer ses chaussures).

V.M. Prenez place, ma sœur.

M. (s’assied en relevant sa robe, rajuste ses cheveux; chausse ses lunettes, s’aperçoit que le plateau n’est pas stable, des clous dépassent. Se lève, prend le maillet de la V.M., tape en chantant « si j’avais un marteau… »)
C’est plus fort que moi ! Pour moi, il faut que tout soit d’équerre, sinon je peux pas travailler.

V.M. Ma sœur, n’oubliez pas que vous êtes ici dans un temple, non sur un chantier, quoi que…

M. (rendant le maillet) Je m’escuse… j’ai pas l’habitude.

V.M. (un peu excédée, se gratte de plus belle) Prenez place, je vous en prie. Nous vous écoutons.

M. (s’installe) Y a pas de micro ? Bon, tant pis, on fera sans. (Elle prend une grande respiration, regarde l’assemblée) Ah vouèille, c’est pas mal vu d’en haut. Quand je vais le raconter à mes copines, elles vont pas le croire.

V.M. Je vous en prie, ma sœur.

M. Je me présente : Marcelle de Guingois. Mon père, ce héros au sourire si doux….

V.M. Parlez-nous de vos impressions d’initiation, non de votre famille.

M. D’accord, pas de problème. Oh pétard, ça a bien commencé ! On m’a d’abord enfermée dans un cabinet ! Vouèille… pas les w.c., non… un cabinet de réflexion qu’on m’a dit. Oh fan… la trouille que j’ai eue !
Un crâne de mort, un panneau où on te dit que si tu es pas content tu peux aller te faire voir… un coq… je te demande un peu… j’ai rien compris. Des os, et pourquoi faire… un pot-au-feu peut-être ? Et alors, la cerise sur la gâteau… le testament ! Mais c’est que j’ai pas encore envie de mourir, moi. De toute façon j’ai mis que des conneries. Je raconte pas ma vie à tout le monde, moi.

V.M. Bien ! Poursuivez. Passons à la cérémonie proprement dite.

M. Qué cérémonie ? Du folklore, oui. On m’a mis un bandeau sur les yeux, on m’a fait monter un escalier plein de virages, arrivée en haut, on m’a dit d’enlever mes chaussures, mes bijoux… même la médaille que m’a offert Antonin « aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain ».

V.M. Ma sœur, tout vous a été rendu, en fin de cérémonie.

M. Vouèille… à la fin ! Je me suis fait un brave souci, vous savez ! On m’a enchaînée. On m’a fait taper à la porte et en plus, pour rentrer on m’a dit de me courber… avec mon tour de rein… oh fan… j’ai souffert !

V.M. Bon, Madame de … non, ma sœur, parlez-nous de vos impressions, non de vos maux.

M. Vous avez raison, escusez-moi. Bon, où j’en étais ? Ah oui. Je suis rentrée, on m’a posé des questions, j’ai répondu. Après ça on m’a fait marcher… on a appelé ça des voyages ! Tout ça dans un tintamarre incroyable. Vous avez cherché à me faire perdre l’équilibre ! Vous pouvez toujours courir… j’ai tellement l’habitude de chavirer… c’est pas ici que je vais perdre pied !

V.M. Vous avez toujours été soutenue. Le but n’était pas de vous faire tomber, mais de vous éprouver.

M. Ah vouèille, m’éprouver ! Après on m’a fait boire, deux fois. La première, ça allait, mais la deuxième… c’était tellement amer que j’ai failli tout cracher. Heureusement qu’après on m’a fait de l’air, ça m’a fait passer l’envie de vomir. Oh et puis, je sais plus, je vous raconte en gros.

V.M. C’est cela, c’est cela. Allons au fait.

M. Qué fait ? Ah vouèille, vous voulez parler de la lumière ? Oui, c’était pas mal, surtout la musique. Remarquez, moi je préfère Dalida… mais c’était bien.

V.M. Bon, en conclusion, vous êtes contente ?

M. Contente ? Si on peut dire… oui… sauf que j’ai pas retenu tout ce qu’on m’a montré : trois pas sur le côté; pourquoi pas devant ? Saluer… j’ai oublié qui et dans quel ordre. On m’a fait répéter (ça je l’ai retenu) « je ne sais ni lire ni écrire » ! Pétard… moi qui étais la première en lecture et écriture… pourquoi faut dire ça ? (Elle rit)
Et puis on m’a demandé mon âge. Pourquoi trois ans ? Faudra qu’on m’esplique. Enfin je me suis plus posé de question, je me suis dit « on verra bien, faut faire confiance, pas vrai ?

V.M. En quelque sorte, vous êtes prête à commencer votre chemin parmi nous ?

M. Bien sûr, pas de problème. Je crois même que je vais en parler à mes copines. Y a encore de la place ? J’aurai une réduc si je vous envoie du monde ?

V.M. Voyons, ma sœur, sachez qu’en Maçonnerie l’argent ne compte pas, nous sommes au-dessus de cela.

M. Alors, j’ai fini. Je peux m’en aller ? C’était bien, ce que j’ai dit ?

V.M. Autre règle : chez nous, pas de commentaires. Un travail ne se juge pas, n’oubliez jamais cela.

M. J’ai compris. (Elle se lève, embrasse très chaleureusement la V.M qui en perd le souffle).

V.M. Sœur M.C. veuillez raccompagner notre sœur à sa place.

M. suit la M.C. en saluant la foule, ravie, s’assied, reprend son sac qu’elle pose sur ses genoux.