Le Funambule (monologue)

CABOTINAGE
Piécettes de théâtre : Galu Imperator, Tronc de la Veuve,
Parodies de rituels : Franc-Glouton, Rituel des voyous, Rituel d'ouverture du bar, Ordre des Mopses, 
Tuilage selon Béru
Sketchs : Essaimage, Le funambule, Le secret, Bons et Mauvais Maçons, Cours préparatoire, l'Affilié, 
Orient Éternel, Salle d'attente, Post Mortem, Dispute, Interview, Remords, Silence de l'Apprenti, 
Drame dans les Parvis, Intérim, Interob, Tout est en tout

Monologue mimé, largement inspiré de Raymond Devos.

(voir également les Funambules, duo…)

Le conteur peut être vêtu de collants du style boxe française, ou d’un tutu de danseuse sur fil…
Il s’adresse à l’assistance :



Certains funambules font de la corde raide, d’autres de la corde à nœuds ou du fil à plomb. Certains avancent sur le fil du rasoir, d’autres au fil de l’eau. Moi, je fais dans la corde vocale. Le numéro que je vous présente ce soir, est d’avancer sur le fil de la conversation.
(Un clown expert trace, sur le sol, le fil de la conversation. Puis le conteur, tel un funambule, se positionne à une extrémité du fil).

Avant d’entamer la conversation, d’abord bien peser ses mots, puis progresser mot à mot. Jamais un mot plus haut que l’autre (mimer), éviter les mots de travers (mimer) : le moindre lapsus serait fatal.

Ne pas non plus s’appuyer sur une simple supposition, ni se laisser distraire par des jeux de mots; les mots pour rire, ça détourne la conversation… et alors c’est le vide, le trou… on cherche ses mots mais il est trop tard! (silence prolongé) Personne pour vous communiquer les mots ! Et je connais des cirques écossais où si vous n’avez pas les mots, vous ne passez pas ! A moins d’être un ancien… et d’être accepté.

Une règle : malgré la hauteur du point de vue auquel on se situe, conserver toujours la plus grande humilité. J’ai connu un funambule qui faisait des mots ” d’hauteur “. Eh bien un jour il est tombé de haut. Ce fut son dernier mot !

On peut tout de même avancer parfois des idées, à mots couverts, à mots feutrés, à demi mots. Mais il ne faut pas prendre les mots pour des idées ! Ne jamais rien prendre au mot !
Dans un cirque romain, J’ai vu un funambule qui sortait des mots latins et d’un motus vivendi faisait tout un laïus !
Mais rien ne vaut le cirque français… le moderne… Là, vous pouvez avancer les grands mots, sous les vivats, les acclamations, la batterie et les symbales… et les symboles…
(Recueillement, silence)
A présent, je vais exécuter pour vous le passage le plus difficile et le plus périlleux : le passage sur la grille des mots croisés.
(Hésitation)
Un, verticalement, c’est le passage à l’équerre. (il l’exécute. ouais! Applaudissements!)
Deux, horizontalement, après l’équerre c’est le passage à niveau. Là, faîtes très attention ! un mot peut en cacher un autre…
Dans notre jargon de funambule, ce passage sur la grille de mots croisés, on le nomme le passage mosaïque. Il m’a été enseigné par l’un des plus grands du métier, qui y passait les yeux fermés.

Les exercices périlleux ne doivent cependant pas nous faire manquer de prudence. Combien se sont mordus les doigts d’avoir lâché les mots qui fâchent ! On les a pris au mot. Combien d’autres ont mis les pieds dans l’inconnu, au risque de toucher à leur fin. Une fois, par exemple, après être resté suspendu à un fil plusieurs jours sans manger, j’ai voulu connaître le mot de la faim. Ah ! je n’ai pas eu le temps de mâcher mes mots ! Des spectateurs furieux m’ont sifflé, m’ont lancé des gros mot, des mots gras, des vilains mots. J’en ai perdu le fil de la conversation. Agacé, j’ai lâché le mot de Cambronne, qui a coulé sur le fil… Je ne vous dis pas dans quelle mouise je me suis retrouvé. J’ai failli glisser !

Une autre fois, (chanté): “dans un cirque de forte taille, des spectateurs voulut me livrèrent bataille…” et me mirent au défi de faire mon numéro à vélo. je les ai pris au mot et j’ai fait mieux : j’ai fait le motard ! j’ai pris une moto. Hélas… (chanté) ” un jeune morpion de motocycliste, prenant mon fil pour une piste, dans un virage il dérapa et dans la sciure il chuta…” De profondis ! Morpionibus… Ah ! la la !
Alors sans un mot, je suis revenu sur mes propos.
Ce soir là le public est parti sans payer. J’ai du moi-même me payer de mots.
Et j’ai maudit…

J’ai mots dits !