Librement adapté de Samuel Beckett « en attendant Godot »- Auteur Henry L.
Julio et Henry sont assis
Julio (montrant le public) : Nous ne sommes plus seuls à attendre minuit, à attendre – à attendre. Toute la soirée nous avons lutté, livrés à nos propres moyens. Maintenant c’est fini, nous sommes déjà demain. Déjà le temps coule tout autrement. Le soleil se couchera, la lune se lèvera et nous partirons.
Henry : C’est une bonne idée. Mais en sommes-nous capables ?
Julio : Ne perdons pas de temps en vains discours. (Un temps. Puis avec véhémence) Faisons quelque chose pendant que l’occasion se présente ! Ce n’est pas tous les jours qu’on a besoin de nous. Non pas à vrai dire qu’on ait précisément besoin de nous. D’autres feraient aussi bien l’affaire, sinon mieux. La lumière que nous avons reçue, c’est plutôt à l’humanité entière qu’elle s’adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l’humanité c’est nous, que ça nous plaise ou non. Profitons-en, avant qu’il soit trop tard. Représentons dignement pour une fois l’engeance où le hasard nous a fourrés. Qu’en dis-tu ?
Henry : Mais la question n’est pas là. Que faisons-nous ici, voilà ce qu’il faut se demander. Nous avons la chance de le savoir. Oui, dans cette immense confusion, une seule chose est claire, nous attendons que vienne le GADLU.
Julio : Ou que la nuit tombe. (Un temps) Nous sommes au rendez-vous, un point c’est tout. Nous ne sommes pas des saints, mais nous sommes au rendez-vous. Combien de gens peuvent en dire autant ?
Henry : Nous attendons. Nous nous ennuyons. (il lève la main) Non, ne proteste pas, nous nous ennuyons ferme, c’est incontestable. Bon. Une diversion se présente et que faisons-nous ? Nous la laissons pourrir. Allons, au travail. Dans un instant, tout se dissipera, nous serons à nouveau seuls, au milieu des solitudes. (il rêve).
Julio : C’est toute l’humanité. (Silence). Regarde-moi ce petit nuage.
Henry : (levant les yeux) Où ?
Julio : Là, au zénith.
Henry : Eh bien ? (un temps) Qu’est-ce qu’il a de si extraordinaire ?
Julio : Passons maintenant à autre chose, veux-tu ?
Henry : J’allais justement te le proposer.
Julio : Mais à quoi ?
Henry : Si on se levait pour commencer ?
Julio : Essayons toujours. (ils se lèvent)
Henry : Pas plus difficile que ça.
Julio : Vouloir, tout est là.
Henry : Et maintenant ?
Julio : Allons-nous-en.
Henry : On ne peut pas.
Julio : Pourquoi ?
Henry : On attend le GADLU.
Julio : C’est vrai. Que faire ?
Henry : Je ne me rappelle avoir rencontré personne hier. Mais demain je ne me rappellerai avoir rencontré personne aujourd’hui.
Julio : Allons-nous-en. (Un temps) Tu es sûr que ce n’était pas lui ?
Henry : Qui ?
Julio : Le GADLU.
Henry : Mais non, mais non.
Julio : Je ne sais plus quoi penser.
Henry : Est-ce que j’ai dormi pendant que les autres souffraient ? Est-ce que je dors en ce moment ? Demain, quand je croirai me réveiller, que dirai-je de cette tenue ? Qu’avec Julio, mon frère, à cet endroit, jusqu’à minuit, j’ai attendu le GADLU ?
Julio : C’est peut-être lui qui est venu hier ?
Henry : Je ne sais pas, mon frère.
Julio : Il a une barbe le GADLU ?
Henry : Va savoir !
Julio : Blonde ou… (il hésite) … ou noire ?
Henry : Peut-être bien blanche, mon frère.
Julio : Miséricorde.
Henry : Moi je m’en vais.
Julio : Moi aussi
(Silence)
Henry : Et il y avait longtemps que tu dormais ?
Julio : Je ne sais pas.
Henry : Il faut revenir demain.
Julio : Pourquoi ?
Henry : Attendre le GADLU.