Propos de salle humide

Sketch inspiré de la scène du Bistrot, Manon des Sources- Marcel Pagnol.

Cinq personnages:
2 Frères: Pierre et Paul
3 Soeurs: Marcelle, Janine, Berthe.
Paul, Janine et Marcelle (une apprentie) discutent à table quand arrive Pierre brandissant un PV…

Paul – (Énervé) C’est la merde ! on ne sait plus où se garer ! Encore un PV !

Pierre – Et on n’a plus Fernand pour nous les faire sauter !

Marcelle – C’est qui Fernand ?

Pierre – T’es trop jeune pour l’avoir connu. Avant de passer à l’Orient éternel, il était commissaire de police…

Marcelle – Et il faisait sauter les PV ? Pas très moral, ça, pour un franc-maçon !

Janine –. C’était un bon frère, Fernand…

Arrive Berthe, sœur âgée, courbée. Elle boite légèrement.

Janine – (à la jeune Marcelle) Tiens, justement, voilà la sœur Berthe. Elle l’a bien connu le Fernand… si vous voyez ce que je veux dire.

Pierre – (à Janine) Amène la. (À tous) On va la faire parler.

Paul – Et si on jouait au poil ?

Janine – Bonne idée ! je vais chercher les jetons.

(Janine va chercher des jetons et au passage, convainc Berthe de venir à leur table)

Marcelle – c’est quoi ce jeu, le poil ?

Paul – Voilà, quand la sœur Berthe elle parle, chaque fois qu’elle finit une phrase, tu vas dire : poil à quelque chose, une partie du corps, et que ça rime avec le dernier mot.

Pierre – exemple : si elle dit c’est évident, tu rajoutes poil aux dents. Le premier qui l’a dit marque un point ; et faut pas dire de grossièretés, sinon tu perds un point.

Paul – Et pas rire non plus, sinon Berthe elle s’en apercevrait.

Marcelle – Elle s’apercevrait de quoi ?

Pierre – qu’on se fout d’elle.

Paul – Faut te dire qu’elle est sourde comme un pot ! Tu peux lui dire tout ce que tu veux.

Janine revient avec la sœur Berthe. Elle dépose sur la table, une grosse poignée de jetons.

Berthe fait la bise à tous.

Berthe – (à Marcelle) une petite nouvelle ?

Pierre – Assied toi. (On lui sert à boire) Tu as toujours mal à ta hanche ?

Berthe – ma planche ? Ah oui ! Elle a bien avancée.

Paul – poil au nez ! (Il prend un jeton)

Pierre – Ma sœur Berthe, Marcelle, notre apprentie, elle aimerait que tu lui parles du Fernand.

Berthe – Ah ! Le Convent ! Y’a si longtemps…

Paul – Poil aux dents !

Janine – (ironique, à Pierre) Heu ! facile !

Pierre – Elle est de plus en plus sourde. (Il lui crie dans l’oreille) Fernand ! parle-nous de Fernand. Tu l’as bien connu !

Berthe – Fernand ?  Non ! Je l’ai jamais fait cocu !

Paul – Poil au cul !

Janine – Pas de gros mot ! (Elle lui retire son jeton)

Pierre – (à Berthe) Cocu, je ne sais pas. Mais connu, oui !

Berthe – Ah oui ! si je l’ai connu Fernand… ! Moi, j’étais à l’Ecossais…

Pierre – Poil aux mollets. (Il prend un jeton)

Berthe – Et lui venait de la GLNF, vous savez, la rue Bineau…

Marcelle – Poil au dos. (Elle prend un jeton)

Berthe – Il travaillait au rite « Émulation »…

Paul – Poil aux tétons. (Il prend un jeton)

Berthe – Le soir, au lit, on relisait nos rituels…

Pierre – poil à l’intestin grêle. (Il prend un jeton)

Berthe – On commençait par le rituel d’ouverture…

Marcelle – Poil au fémur. (Elle prend un jeton)

Berthe – Et on éteignait les feux aux trois coups de Minuit.

Janine – Poil au Kiki. (Elle prend un jeton)

Berthe – Mais moi, l’Émulation, j’y comprenais goutte.

Paul – poil à mazout. (Il prend un jeton)

(Rires)

Berthe – y’a pas de quoi rire, c’était tout écrit en vieil angliche.

Pierre – Poil aux miches. (Il prend un jeton)

Paul – Oh ! oh ! pas de mots grossiers, on a dit ! (Il lui prend le jeton)

Pierre – (se rebiffe) tu as bien dit téton, tout à l’heure…

Berthe – (intriguée par cette interruption) mais qu’est-ce qu’il y a ?

Pierre – Non, non, rien. (Fort, à l’oreille de Berthe) Alors tu disais que tu ne comprenais pas l’Anglais… (plus fort) l’angliche !

Berthe – Ah oui, oui ! J’y bitais rien à l’angliche, mais on passait du bon temps avec mon commissaire.

Marcelle – Poil au derrière.

Berthe – Et quand il s’est fait affilier à la GLTSO, à Opéra, on n’a plus fait que de musique de chambre…

Pierre – Poil aux jambes !

Paul – Ah, ma sœur Berthe. Ça, c’est du vécu !

Berthe – (se dressant au-dessus de la table) Poil au cul !

Stupéfaction.  Oh oh oh ! ah ah ah !

Berthe – Excusez ma grossièreté… mais elle fut longuement préméditée. Ne croyez pas mes Frères, que j’ai retrouvé le sens de l’ouïe, hélas non, mais vous m’avez déjà fait ce coup là la dernière fois ; je n’avais pas compris, mais ça m’avait intriguée ; et comme entre frangines on est solidaire, Janine m’avait vendu la mèche…

Janine – Poil au derche !

(Rires)

Berthe – (Elle lève son verre) à Fernand…

Tous – (levant les verres) à Fernand !

Marcelle – (légèrement ironique) à ses hautes valeurs morales.

Tous – Buvons !