GDDLU (Inspiré d’une pièce d’Éric Emmanuel Schmit : l’École du Diable.)
5 personnages dont le Grand Diable de l’Univers.
De lourdes de portes qui grincent; semi obscurité; on entend des pas.
La lumière croît. Entrent d’un côté le Vénérable, de l’autre le Grand Hospitalier.
Vénérable – Eh bien ?
Hospitalier – Stationnaire, Vénérable Maître.
Vénérable – Sa température ?
Hospitalier – 33 degrés
Vénérable – 33 ! c’est pas normal ça.
Hospitalier – pour le Grand Diable de l’Univers, non !
Vénérable – Ses battements de cœur ?
Hospitalier – Aucun
Vénérable – Normal, donc !
Hospitalier – Normal.
Vénérable – Quelle est votre conclusion, frère Hospitalier ?
Hospitalier – Dépression, Vénérable Maître.
Vénérable – Mais je ne vois pas ce qui pourrait le déprimer. Tout va au plus mal dans les loges.
Hospitalier – Nous avons actuellement plus de mille obédiences sur le globe. Les premières que nous avons créées, il y a bien longtemps, ont trahi leur mission d’être au service des loges et de leurs membres. Abusant de leur pouvoir, certains dignitaires se proclamant ad vitam font passer leur intérêt personnel avant celui de l’Ordre. L’ambition, l’orgueil, la jalousie, parfois la haine, provoquent des conflits internes d’une rare intensité. L’Ordre maçonnique est au bord de la destruction !
GDDLU – (il sort de l’ombre) la banalité, quoi… nous patouillons dans la banalité, je m’enlise, j’étouffe.
Vénérable – Grand Diable de l’Univers, vous ne pouvez pas dire ça. Tout est pour le pire sur les chantiers des maçons.
GDDLU – Il n’y a plus d’avenir pour moi, le mal est fini.
Vénérable – Allons, votre Diablerie. C’est tout le contraire. Vous ne pouvez négliger le renfort inattendu de la science : le ronflement des clims, les téléphones portables, les bougies à led, la diffusion des fichiers par internet, sans parler des problèmes économiques : les capitations de plus en plus élevées.
Hospitalier – Et le tronc, rien que des boutons de culotte ! (Moqueur) C’est vrai, vous ne portez pas de fermeture éclair, et depuis que la Veuve vous fait du bien… mais c’est pas elle qui recoud votre braguette !
Vénérable – et tous les sans-dent des colonnes dont l’ego boursouflé leur font caresser l’espoir de devenir un jour califes à la place du calife…
GDDLU – Bah ! tout ceci est négligeable.
Vénérable – Ben ! ce n’est pas rien quand même !
GDDLU – Foutaises ! Rien que poussière de pierres mal grattées, fonds éventés de calices d’amertume, bouts de cordes à nœuds rongées par la moisissure, raclures de bougeoirs. La réalité, c’est que la déficience initiatique ronronne. L’imperfection maçonnique est loin d’atteindre le niveau d’insuffisance auquel le défaut de transmission devrait la faire chuter, et malgré toutes les affaires scandaleuses de copinage dont se gaussent les médias, on continue à initier !
Hospitalier – Ah permettez ! J’ai des chiffres ! Les colonnes se vident !
Vénérable – Et se remplissent de plus en plus de métaux !
GDDLU – C’est un bon point, d’accord. N’empêche qu’il faut trouver quelque chose de nouveau, et vite. Que font vos missionnaires, vos deux Surveillants ? Qu’est-ce qu’ils surveillent ?
Grand fracas. Déboulent les 2 Surveillants très mal habillés : jean, polo publicitaires, vieilles chaussures de sport…
1er Surveillant – (obséquieux) Grand Diable de l’Univers !
GDDLU – Vous êtes bien mal fagotés. (Il rit) Voilà des tenues qui me rassurent.
1er Surveillant – Votre Diablerie, je crois que nous apportons la solution !
Vénérable – Constituez un dossier, nous l’examinerons en commission.
GDDLU – Pas le temps ! Parle !
1er Surveillant – Nous sommes allés faire un tour d’inspection des loges : la maçonnerie ne se porte pas au mieux, mais hélas ça n’empire pas non plus. Vous aviez raison. Il faut prendre des mesures.
GDDLU – Ah ! vous voyez !
Vénérable – Paroles de lèche-cul ! Pourquoi croyez-vous que je les aie faits Surveillants ?
GDDLU – ça va, continue !
2ème Surveillant – Tout ce que nous avons inventé depuis deux siècles, c’est du bricolage.
Vénérable – Et la multiplication des loges sauvages, et la Régularité anglaise toujours au Brexit, et les Hauts Grades ?
Hospitalier – et tout récemment, la mixité… ?
2ème Surveillant – Bricolage !
1er Surveillant – Bricolage !
GDDLU – Alors que proposez-vous ?
1er Surveillant – Il faut Battre le tambour, carillonner, claironner !
2ème Surveillant – Une fanfare ! Une clique !
Vénérable – Une clique ? pourquoi faire ?
Hospitalier – La maçonnerie n’est pas une clique !
2ème Surveillant – Mais non ; clique, c’est symbolique.
1er Surveillant – c’est une allégorie.
GDDLU – Expliquez-vous.
1er Surveillant – (s’adressant au GDDLU) D’abord on vous supprime !
Vénérable – Supprimer le G-D-D-L-U ?
GDDLU – Pardon ?
2ème Surveillant – Vous devez disparaître, Grand Diable de l’Univers, si vous voulez tirer les ficelles.
GDDLU – je ne comprends pas.
1er Surveillant – Il faut délivrer les maçons de la culpabilité qui les ronge.
2ème Surveillant – Ils se sentent coupables de ne plus maçonner selon la Tradition, de négliger le symbolisme, d’oublier les mythes fondateurs de l’Ordre, de ne plus pratiquer l’Art Royal.
1er Surveillant – et c’est vous, votre Diablerie, par l’empire que vous exercez sur les bons maçons, qui êtes responsable de leur culpabilité.
2ème Surveillant – Libérez les maçons ! Et n’existez plus que dans l’Invisible.
1er Surveillant – L’Invisible, votre Diablerie, c’est ça la solution !
2ème Surveillant – (gaffeur) Oui, l’Invisible, comme le GADLU, quoi !
GDDLU – (offensé) Taisez-vous !
(Silence gêné)
GDDLU – C’est bon (il rit -rire diabolique !) Je me retire, et je ne vous dis pas à bientôt. Ah ! Ah ! Ah ! Répandez en bas l’œuvre satanique. (Il sort)
Hospitalier – ça alors, foi d’Hospitalier ! le GDDLU a retrouvé son allégresse.
Vénérable – (Aux Surveillants) Mais c’est quoi votre truc ? un nouveau virus ? une guerre des rites en tambours et trompettes ?
Hospitalier – c’est quoi cette allégorie… la clique ?
1er Surveillant et 2ème Surveillant – l’ex-té-rio-ri-sa-tion !