Les conjointes

    1. 3 personnages femmes : Ginette, Josiane, Régine.
      3 épouses de maçons sont réunies pour prendre le thé chez Ginette.Ginette – Je vous remercie chères amies d’avoir accepté mon invitation. Nous nous connaissons si peu… Mon mari vient juste de rentrer. (À Josiane) Vous prenez du sucre ?
      Josiane – on pourrait se tutoyer, non ?
      Régine – Ben oui, nos maris se tutoient bien, eux ! Vous avez… Tu as eu une bonne idée de nous réunir…    Ginette ? c’est ça ?
      Ginette – Oui, moi c’est Ginette, et vous… et toi ?
      Régine – Moi c’est Régine.
      Josiane – Moi c’est Josiane.
      Ginette – Eh bien nous voilà, comme des sœurs quoi ! Après tout, si nos maris sont frères, nous sommes toutes trois belles-sœurs ! Non ?
      (Un temps- elles boivent leur café)
      Josiane – Ah ! les frères… je ne sais pas le vôtre, mais le mien, depuis qu’il est tombé là-dedans, je n’en fais plus rien. Il ne veut plus faire la vaisselle. Le tablier, qu’il dit, je le porte assez tous les soirs !
      Ginette – Tous les soirs ?
      Josiane – Oui, tous les soirs…
      Régine(taquine) Tous les soirs… tu ne penses pas qu’il y a là un… une…
      Ginette(soupçonneuse) Une femme ?
      Josiane(fâchée) Qu’est-ce que vous insinuez ? Mon mari fréquente les ateliers supérieurs, lui ! Il est pris tous les soirs. Et puis je lui fais confiance. La maçonnerie a tout de même des vertus…
      Régine – Bon, ne le prends mal ! On rigole ! N’empêche qu’avec leur sœur Servante…
      Ginette(dégoutée) Celle qu’ils appellent leur petite sale… humide ? et pourquoi elle est humide cette petite sale ?
      Josiane – Mais non ! salle humide, c’est là où ils se mettent à table.
      Ginette – Pour ce qui est de se mettre à table, le mien, ils l’ont enquêté, interrogé, cuisiné… Mais je suis sûr qu’il ne s’est pas mis à table. Il n’a rien dit… Sinon, comment ils l’auraient accepté ?!
      Régine – Je crois que tout ça, c’est rien que du cinéma.
      Ginette – Tu as raison. Même que mon Fernand, ils l’ont fait machiniste : il doit arriver avant tout le monde… pour monter les décors. Sous la conduite du régisseur… son Surveillant comme il l’appelle.
      Josiane – Surveillant : c’est un office, une fonction !
      Régine – Tu en sais des choses !
      Josiane – Je le sais parce que mon mari a été Surveillant. Premier Surveillant ! C’était pas du repos ! Pour surveiller, il faisait tellement de rondes qu’il rentrait le soir en se plaignant d’avoir mal au dos ! « Ma colonne me fatigue » qu’il arrêtait pas de râler !
      Régine – Pour ce qui est de râler, le mien c’est pareil ! « Tu t’es encore levé du pied gauche » que je lui dis. Et il me répond qu’il ne sait plus de quel pied… du droit, du gauche… question de rite qu’il me dit, ou quelque chose comme ça. Oui, c’est ça ! c’est un Ecossais qui l’irrite !
      Ginette – Un Ecossais ?
      Josiane – L’Ecossais, c’est leur whisky, le JB, quoi ! mais ton mari n’est qu’apprenti Ginette, alors tu ne peux pas comprendre. Attends qu’il ait des degrés !… Le tien Régine, à quel degré il travaille ?
      Régine – Je crois que c’est au 51 !
      Ginette – Ouah ! Quel pastis !
      Régine – ça, tu peux le dire ! L’autre soir, je l’attendais en petite tenue… Eh bien oui, j’ai bien droit à ma tenue moi aussi ! Il est rentré tellement bourré que je l’ai surpris devant la glace, tout nu, à se regarder le nombril. Il pleurnichait et ne cessait de répéter… sans doute une de leurs formules incantatoires : « debout et à l’ordre mon petit frère… debout et à l’ordre mon petit frère… »
      Rires
      Josiane – C’est peut-être ça qu’ils appellent la « mise en sommeil » …
      Moi je crois que c’est à force de soigner des charlots qu’ils le deviennent parfois eux-mêmes ! Le mien par exemple, il est Hospitalier…
      Ginette – Ton mari travaille à l’Hôpital ?
      Josiane – Si tu veux… mais pour sa loge. Il prend soin des absents, des malades… Il a passé tout son dimanche à téléphoner aux uns et aux autres. Ça n’arrêtait pas ! Je lui ai demandé ce qu’il se passait. Vous savez ce qu’il m’a répondu comme connerie ?… « Je fais marcher la toile d’araignée… »
      Régine – C’est sûr ! il a attrapé une mouche dans le plafond !
      Ginette – Je comprends maintenant. Ya trois jours, un de ces charlots est venu à la maison. Pour instruire mon Fernand qu’il a dit. J’entendais Fernand lui poser gentiment des questions quand l’autre s’est mis à vouloir lui faire avaler des choses bizarres… du… vitriol. Et puis il s’est emporté en lui reprochant de lui téléphoner trop souvent… « Tu as 3 ans, tu ne sais ni lire ni écrire ! qu’il lui a dit, et tu ne sais que m’appeler… Alors tu dois te taire ! » Mon Fernand, qui n’est pas du genre à se taire, a continué à lui poser des questions. Moi j’étais là, j’écoutais. Quand l’autre s’en est aperçu, vous savez ce qu’il a dit ?
      Josiane – Il pleut !
      Ginette – Comment tu le sais ?
      Régine – Ah ! tu as encore des choses à apprendre … Tu verras, quand ton Fernand sera maître…
      Josiane – Si tu parviens à tenir le coup jusque-là !
      Régine – En tous cas, pendant qu’ils maçonnent, nous, on est tranquille jusqu’à minuit.
      Ginette(réjouie) Jusqu’à minuit ?
      Josiane – Attention ! Minuit c’est symbolique. Il peut rentrer plus tôt ! Méfie-toi.
      Ginette – Merci de me prévenir, les filles.
      Régine – Oh, la coquine !
      Toutes les trois rient.
      Josiane se lève en brandissant sa tasse, imitée par les 2 autres.
      Josiane – Buvons !
      Et toutes de chanter ensemble sur l’air du « sirop typhon » :
      Buvons, buvons, buvons,
      Aux maris maçons
      Pendant qu’ils planchent sur leurs chantiers hé hé !
      Et qu’entre Frères
      Ils grattent la pierre,
      Qu’ils aient sur nous les yeux fermés !
    2. Elles se séparent en riant.