Réunion d’instruction de jeunes “bouffons” de la troupe théâtrale Hilarion..
2 vieux maîtres, Henry et Julio, professent…
4 hommes et 2 femmes pour interpréter les autres personnages à l’origine des premières Constitutions d’Anderson.
(Dans une mise en scène du Festival de 2023)
(Toute autre mise en scène peut être imaginée)
UNE JEUNE– Mais c’est qui cet Anderson ?
HENRY– (s’adressant à Julio) Tu entends ça, Julio ? Ces jeunes ne connaissent même pas Anderson. Quelle misère !
JULIO – (s’adressant aux élèves sur le ton présomptueux et professoral du vieux sage) Sachez, jeunes ignorants, que James Anderson et Pierre Dac sont les précurseurs d’Hilarion, ceux à qui nous devons tout ! Mais savez-vous seulement comment ont été écrites les Constitutions ? On va vous le raconter ! Mieux que ça ; avec Henry, on a traduit le compte-rendu de leur première réunion. J’ai les textes. vous allez nous le jouer…
(Julio distribue les textes à chacun des acteurs choisis)
*Philippe, toi tu feras Jean-Théophile Désaguliers, pasteur émigré suite à la révocation de l’Édit de Nantes… un Français !
PHILIPPE- Mais je suis Belge, une fois !
HENRY- ça sera un rôle de composition. Tu es comédien, non ?
JULIO :
* toi, tu seras Georges Payne, écuyer du Roi.
* Toi, u seras le duc de Wharton ; tout juste initié et déjà maître de Loge. Pas étonnant qu’il ait pris la grosse tête ! il a d’ailleurs été de tous les conflits !
*le capitaine John Eliott… personnage, en fait, subalterne. Tiens, Monique ! je te le confie. (Il lui remet un chapeau d’homme)
MONIQUE – Et Maria Deraismes alors ? Tu l’oublies ? Nous les sœurs, nous lui devons tout !
JULIO – Maria Deraismes ? Qu’est-ce que tu racontes ? Elle n’a rien à voir avec les Constitutions. Elle est venue bien plus tard Maria Deraismes !… (Monique manifeste sa mauvaise humeur) Bon ! Eh bien, pour te faire plaisir, on va lui donner un rôle à Maria Deraismes. Sinon les frangines vont nous faire tout un plat.
HENRY- Remarque ! Faire la cuisine, c’est leur truc, non ?
(Rires des mecs, en gros machos)
(Julio va prendre un ustensile de cuisine et se dirige vers Danièle)
JULIO – (à Danièle) Eh bien Danièle, tu seras Maria Desraimes (il lui remet l’ustensile de cuisine).
*Toi tu tiendras le rôle d’Anderson, chapelin de sa loge, rédacteur des Constitutions…
Auberge de l’Oie et le Grill – Londres le 24 juin 1717. Allez, on vous écoute !
HENRY- En tous cas, si Anderson est passé de l’opératif au spéculatif, c’est qu’ils étaient trop feignants pour être opératifs.
WHARTON – (réplique immédiate) ils nous emmerdent ces opératifs !
PAYNE – t’as raison Wharton, on n’a plus trois ans, merde !
ANDERSON – (conciliant) D’accord, je dis pas, pourtant moi, Ecossais, je suis bien accepté par les Anciens !
DESAGULIERS – Pour nos capitations, oui !… Entendez-les : Des capitations ! Des capitations ! (en faisant le signe de se trancher la gorge)
WHARTON – Font chier, les opératifs !
ELIOTT – du calme mon Frère.
DESAGULIERS – (un léger temps) J’ai une idée !
PAYNE– (ironique) toi Desaguliers, un Français, t’as une idée !
(Tous rient théâtralement : Ah ! Ah ! Ah !)
DESAGULIERS – (poursuivant son idée) Et si on constituait une nouvelle maçonnerie… ? (Un temps : Tous le regardent, incrédules) la maçonnerie des Modernes !
WHARTON – Putain Desaguliers, t’es devenu dingue !
ANDERSON – c’est vraiment une idée à la con !
PAYNE– Tu parles pas sérieusement ?
DESAGULIERS– (rigolard) Bien sûr que non ! Vous m’avez pas compris les frangins ! Je vous propose de monter un canular!
TOUS – un canular ?
DESAGULIERS – Oui, un canular ! Un gros gag ! Énorme. Un monument comme les maçons n’en ont encore jamais construit.
TOUS – (les réflexions admiratives et les rires fusent… seul Anderson reste circonspect)
WHARTON – (il attend que les rumeurs aient cessé) Ouais ! On s’y met ! Il faut commencer par écrire une Constitution.
PAYNE– Anderson, toi qui sais écrire, tu pourrais pas… ?
ANDERSON – mais je ne suis qu’un chapelain.
WHARTON– justement, les conneries, tu connais !
PAYNE – tu vas voir, ça va spéculer là-dessus pendant des siècles et des siècles !… James, tu appelleras ça la maçonnerie spéculative !…
ANDERSON – (inquiet) j’peux pas faire ça !
WHARTON – Ah ! ta gueule ! Fais ce qu’on te dit ! et tu rajoutes une pincée de théosophie, un souffle d’hermétisme, une poignée d’occultisme et trois grains d’alchimie.
ANDERSON– (vexé) et pourquoi pas de l’humour aussi ! non ?
WHARTON– Oh, Yes ! de l’humour ! … avec quelques pétales de fleur d’acacia.
UN – C’est hilarant !
WHARTON – On appellera ça la Constitution d’Anderson
ANDERSON – (toujours inquiet) Arrêtez ! On va passer pour des hérétiques.
DESAGULIERS – Mais non ! Ils vont quand même pas nous prendre au sérieux ?
PAYNE– Pourquoi non ? Ils verront même pas que c’est une farce… parce que l’humour, mes frères, c’est pas ce qu’il y a de mieux partagé chez les Frères.
DERAISMES– Les Frères, les Frères… vous avez pensé aux femmes ?
DESAGULIERS – Oh ma soeur, on t’a déjà donné un rôle dans ce sketch, tu vas pas en plus…
ANDERSON– (soupirant) Ah non, pas les femmes !
PAYNE– tu veux tout faire foirer ?
DERAISMES – n’empêche que…
WHARTON– n’empêche que rien ! Pas de femmes dans la Constitution !
ELIOTT (féministe) – (va vers “Maria” et la prend par le bras) Viens Maria, on se barre ! ils la termineront sans nous leur Constitution à la con ! (Tous les retiennent)
WHARTON – Assumes ton personnage au moins ! c’est du théâtre !
DESAGULIERS – Ne partez pas… comprenez-nous : on a dit qu’on créait une nouvelle maçonnerie, et que c’était pour rigoler!
ANDERSON- Et vous voulez rigoler avec des femmes ?
TOUS – (pouffent de rire)
DERAISMES – (ironique et mordante) Ah oui, ça vous fait rigoler… Mais demain, vous rigolerez moins quand on va y entrer, nous, les femmes, dans votre maçonnerie… parce qu’on va finir par y entrer !
FEMINISTE- Mais oui ! (Bombant la poitrine) la preuve ! Vous verrez !
TOUS – (soudain inquiets) Mais non ! Pas possible ! C’est fou ! etc
DERAISMES– Bien sûr qu’on va finir par y entrer ! j’vous le dis ! (Moqueuse et enjôleuse) Même que vous nous appellerez «vos sœurs »
FEMINISTE- Et ce jour-là, on va vous foutre un bordel… mais un bordel…
TOUS – (rires et protestations)
PAYNE– Heureusement, on ne sera plus là !
ANDERSON –De toutes façons, ça ne marchera jamais votre connerie. (Il s’éloigne)
PAYNE – C’est sûr que si les femmes s’en mêlent, ça va foirer !
Vexées, les soeurs présentes sur le plateau, sortent.